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Manque de sang 3

Manque de sang : Violence conjugale, mes blessures invisibles

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Isabelle Magnan, ce n’est pas son vrai nom. Mais peu importe. L’auteure de « Manque de sang » (éditions de la Martinière) partage sa vie, depuis plus de quinze ans, entre l’animation d’ateliers d’écriture et l’écriture elle-même. Elle a réalisé des documentaires pour France Culture. Sous son véritable nom, elle a signé de nombreuses fictions. En revanche, dans ce livre-témoignage qui paraît aujourd’hui, tout est vrai, sauf les noms.

Son récit, écrit à la première personne, est poignant. La femme de lettres raconte avec force et détails son calvaire, ses erreurs et ses peurs, aussi. Elle répond aux « 3 questions » de FP.

Comment avez-vous trouvé la force d’écrire votre propre histoire?

Isabelle Magnan profil

Il m’a fallu attendre des années, avant de pouvoir me lancer dans l’écriture de ce livre. J’ai tenté plusieurs formes littéraires avant, finalement, de choisir le témoignage, car il m’a semblé que la fiction pouvait m’emmener à prendre de la distance avec les faits. En outre, l’écrivain Annie Ernaux, qui suivait mon travail, m’a fait comprendre et sentir que je ne pourrais jamais aller au plus près de cette histoire que par le biais de l’autobiographie. J’avais très peur en me lançant. Peur de revivre les événements en les écrivant, peur d’être reconnue après. J’ai d’ailleurs dû aller voir de nombreux ostéopathes pendant l’écriture. Maux de ventre, de dos, respiration coupée : toutes les souffrances sont remontées. Mais j’ai tenu bon. Car je voulais dire, dire absolument. 

De toutes ces “blessures invisibles” que vous avez subies,  laquelle a été la plus douloureuse pour vous?

Isabelle Magnan profil

Le plus difficile était de vivre dans l’angoisse constante de m’attirer des cris pour des raisons que j’ignorais. J’avais l’impression d’être toujours mauvaise, nulle. Surtout après que le psychiatre m’avait traitée de femme phallique. C’était cela le plus dur : ce changement d’identité qui se faisait peu à peu en moi, à mon insu. Je ne savais plus qui j’étais, ce que je devais faire pour ne pas déplaire à mon mari. Je me perdais moi-même, je devenais une personne ligotée dans la peur de faire mal, du mal. Ce qui est un paradoxe puisque c’était mon mari qui me faisait du mal. Mais la perversion de la violence psychologique, et peut-être des violences physiques, est celle-ci : on a l’impression d’être la mauvaise. Pour répondre plus concrètement, le pire était les insultes constantes, qui me diminuaient sans cesse et auxquelles je finissais par croire.

Quels conseils pourriez-vous donner à des femmes victimes de violences conjugales?

Isabelle Magnan profil

Mon conseil est évidemment de refuser la violence d’un conjoint. Il faut porter plainte. Toujours. Mais il faut savoir le faire et, pour cela, il faut être armée. Moi, outre les difficultés à faire reconnaître mes “blessures invisibles”, j’ai fait quantité d’erreurs par ignorance des lois. C’est à la justice de nous aider à y voir clair. Il faudrait qu’un cadre spécifique soit créé pour les violences conjugales, notamment psychologiques. La police devrait pouvoir travailler de concert avec des associations. Et il faudrait que ces associations aient plus de moyens. Je me rappelle encore les rendez-vous que j’ai eus dans ces associations, plus tard. La malheureuse psychologue recevait les femmes au beau milieu de la cuisine, faute de lieu spécifique.
Donc, oui, mille fois oui, il faut que les femmes aillent se plaindre ! Mais il faut qu’elles sachent que cette plainte ne sera que le début d’un long chemin, celui-ci étant loin d’être rose. Or, étant donné la fragilité dans laquelle se trouve chaque femme victime de violence, elle ne peut avancer sur ce chemin-là sans soutien. Mon livre essaye de montrer à quelles embûches il faut s’attendre. Ainsi, j’espère qu’elles pourront les éviter. C’est mon vœu le plus cher. Je souhaite qu’aucune autre femme ne puisse porter plainte et perdre. Car lorsqu’on perd ce type de jugement, la justice permet à un conjoint violent de légitimer sa violence, donc de la redoubler en toute impunité.

Par Claire Renée Mendy.

Isabelle Magnan, Peur, Témoignage, Violence conjugale


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FP

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