A l’unisson
Hummmmm, à l’unisson…
Le saviez-vous ? Lorsqu’une foule chante de concert, elle chante juste !
J’aime beaucoup regarder des concerts de mes chanteurs et chanteuses préférés sur YouTube. Et ce que je préfère généralement, c’est lorsque la foule, en chœur, se saisit du texte et chante à l’unissons au point, parfois, de tirer des larmes à la star sur scène. Celle-ci semble réaliser, à ce moment-là, son impact sur cette assemblée, et l’évidence de l’amour que lui portent ces personnes venues l’écouter. Ce sont des moments toujours émouvants. Et je me fais à chaque fois, cette réflexion : On dirait qu’ils ont répété, tous ensemble, tellement ils chantent juste ! Qu’il y ait 1000, 10000 ou 100000 personnes, la magie opère toujours. Les apprentis chanteurs de salle de bain semblent soudain se muer en experts de l’alto !
Et puis, voilà que je découvrais enfin l’explication de ce fascinant phénomène : Lorsqu’une foule chante de concert, elle chante toujours juste car les voix s’équilibrent. Les graves, les aigus, les soprano, mezzo-soprano et contralto, les contre-ténor, ténor, baryton et basse, soudainement, se fondent dans une unité parfaite et forment une chorale quasi sophistiquée.
Et ce constat a suscité chez moi, la réflexion suivante : Si, alors que la foule est dense, les différences de tonalités de voix se diluent pour former un ensemble mélodieux, n’en n’est-il pas de même des idées ? Les plus originales ne finissent-elles pas par disparaître au profit de celles, plus lissent, qui suscitent moins de controverse ? (pour ne pas dire aucune) ?
Il me semble que la liberté de parole et même de pensée se réduit comme peau de chagrin. L’espace dédié au débat disparaît de plus en plus et on voit s’étendre une pensée unique qui tend, telle une pieuvre aux tentacules géantes, à occuper l’espace. Sans vouloir jouer les vieilles rétrogrades, il me semble que les kiosques à journaux de mon adolescence offraient bien plus de discordances que ceux d’aujourd’hui. Chaque fois que je passe devant un étal de journaux, aujourd’hui, j’ai l’impression de regarder un chat qui joue à essayer d’attraper sa queue. Il s’excite tout seul, s’offre deux ou trois cabrioles, fait semblant d’y croire, sans être dupe de la conclusion qui sera celle-ci : Tout restera en place et il passera à autre chose sans plus y penser …avant que l’envie de s’agiter ne le reprenne et qu’il ne recommence sa folle farandole. Des faux semblants, pour faire croire qu’il y a débat là où le croisement de fer a disparu depuis bien longtemps !
Poursuivant ma réflexion sur ces chœurs chantants de concert, m’apparut alors le pendant de cette harmonie de fait : L’obligation, lorsqu’on est en groupe, de se comporter au diapason des autres. Telle est, en tout cas, la tendance naturelle. Il s’exerce comme une pression naturelle pour aller tous, dans un même sens, afin de maintenir un certain équilibre. Gare à celui dont le comportement sera suffisamment divergent pour attirer l’attention : Ses comparses de la chorale, aussitôt le rappelleront à l’ordre et lui montreront la direction suivie par le groupe !
Comment, alors, trouver sa place, lorsque notre tendance naturelle nous pousse vers des vents contraires ? Cela n’a jamais été simple, mais ce qui relevait du courage ressemble aujourd’hui, à de la bravoure ! A chacun de choisir son camp et d’y rester fidèle. Pour ma part, l’une des solutions que j’épouse et je conseille est la curiosité. La curiosité dans tous les domaines. C’est un moyen extraordinaire de mettre en lumière des possibilités, multiples jusqu’à l’infini !
Un discours entendu, encore et encore, me semble absolument suspect, et me donne envie de découvrir son antithèse. Il est vrai que cela demande, de fait, un effort supplémentaire que les partisans de la thèse qui se veut détentrice de l’unique vérité n’auront pas à fournir.
Cette harmonie, si agréable à l’oreille lorsqu’elle provient d’une foule en amour devant un musicien, devient carrément inquiétante quand il s’agit de sujets de société ou de politique ! Alors, pour me consoler, je me remets en phrase cette citation dont la paternité reste à définir :
« Toute vérité passe par trois étapes, d’abord elle est ridiculisée, ensuite elle est violemment combattue et enfin elle est acceptée comme une évidence. »
Alors, la foule chantera peut-être de concert un jour, une chanson qui, aujourd’hui, est exclue du répertoire, parce que portant en elle, un refrain un peu trop discordant….