Comment pardonner ?
Hummmm, Que c’est dur de pardonner !
Forcément, avec un tel titre, vous vous doutez bien que je vis une telle problématique actuellement ! J’ai l’impression d’être dans un jeu de fléchettes, de jouer le rôle de la cible, et d’observer certains membres de ma famille choisir des munitions, et, avec, beaucoup d’application, viser le cœur, mais pas que ! La tête, les membres, toutes mes parties sensibles les intéressent ! L’essentiel pour eux : faire des dégâts, blesser, paralyser, faire fructifier l’héritage de haine dont ils ont été les récipiendaires, et ceci avec une extrême application !
Et tout semble compliqué, dans cette histoire ! Les considérer comme des bourreaux reviendrait à me couvrir de la couronne de victime ! Quelle plus belle victoire pour eux ? Hors de question de leur faire ce cadeau ! Répliquer ? Ouh la ! La moindre de mes répliques attise leur courroux ! Quoi ? J’ose me lever et mettre en doute leur toute puissance ? Inacceptable ! Ils en rajoutent donc des couches ! Il faut me mettre à genoux, me faire plier. Si je pouvais reconnaître ma très grande faute (être née) et les supplier de pardonner cette offense, ce serait encore mieux !
Et puis, au milieu de tout ça, il y a ce que des dizaines de livres de développement personnel m’ont appris : Refuser de courber l’échine, prendre confiance, remplir ma personne d’estime de moi, valoriser mes qualités, réclamer mon dû, avancer avec courage et accepter l’affrontement lorsqu’il devient nécessaire !
La tête remplie de contradictions, entre m’armer et rendre coup pour coup ou déserter le champ de bataille, j’ai demandé de l’aide aux gourous de Youtube ! Dans une première vidéo, je suis tombée sur un grand sage qui répondit ceci à ma question « Comment pardonner » ?
– Pourquoi voulez-vous pardonner ?
– Ben, je veux pardonner parce que ces personnes ne cessent de m’offenser !
– Elles ne peuvent faire autrement !
– Comment ça elles ne peuvent faire autrement ?
– Si elles pouvaient, elles agiraient autrement. Elles ne savent pas. En sont incapables. C’est leur nature, alors, pourquoi veux-tu juger leur nature ? Si tu te poses la question du pardon, c’est que tu les as condamnés ! Tu as condamné leur comportement ! De quel droit ?
Et il conclut ainsi :
– Si tu ne condamnes pas, tu n’as pas à pardonner. Alors, ne condamne pas !
– Ouais, facile à dire ! Je suis humaine, moi !
– Raison de plus pour ne pas condamner, tu n’es pas Dieu !
Que répondre à ça ? Il a raison, évidemment, qu’il a raison ! Mais ce qu’il propose n’en n’est pas moins difficile à appliquer ! La chair est faible, elle frémit de douleur, elle laisse couler la tristesse, parfois dévalent d’elle des torrents d’amertume, des irruptions de boutons expriment le découragement, la colère, l’angoisse, la résignation ! Un pan entier du lexique, dans chaque langue est consacré à l’expression des émotions et il faudrait vivre sans elles pour vivre mieux ?
Pas facile d’être un humain ! Mais en même temps, à quel moment nous a-t-on promis la facilité ?
Je fis pause sur YouTube et demandai au vieux sage de m’en accorder aussi une, afin de digérer le scoop qu’il venait de me proposer : Ne condamnez pas, et vous n’aurez pas à pardonner ! Je m’éloignai de ma problématique personnelle pour englober dans ma réflexion mes congénères humains qui vivaient ou avaient vécu des situations bien plus dramatiques, tellement plus violentes.
Mon cas, à côté se minimisa aussitôt jusqu’à me sembler une broutille. Quel défi, lorsque le comportement d’autres avait influencé votre vie de manière négative, néfaste, ou en avait même détourné le cours jusqu’à en faire un cauchemar ?
Me vint alors à l’esprit l’image du scorpion qui avait demandé à une grenouille de lui faire traverser la rivière. Celle-ci avait tout d’abord refusé en avançant l’argument pertinent qu’elle n’allait pas prendre le risque de se faire piquer. Le scorpion promit, arguant que tel n’était pas son intérêt, car cela risquerait de mettre fin à sa propre vie par noyade. Convaincue, la grenouille accepta de rendre le service demandé et, à peine arrivée sur l’autre rive, le scorpion la piqua ! Juste avant de mourir, elle voulut comprendre pourquoi, et celui-ci lui répondit :
– Parce que c’est ma nature, de piquer !
Voilà, elle avouait, ce faisant, ne pas savoir faire autrement. J’en revint donc à l’homme et à sa nature : Celle-ci était-elle d’être méchant ? LA réponse fut rapide, Il ne pouvait en être ainsi. La source qui nous avait créé ne pouvait avoir que des desseins autres pour nous. Elle y avait mis tant de soins et d’application ! Ce ne pouvait être pour programmer cette magnifique machine dans un but de destruction, d’elle – même ou des autres.
Alors quoi ? Comment expliquer ces accès de méchancetés s’il ne s’agissait d’un comportement naturel ? La réponse se présenta à moi sous forme d’un Mille- feuille, ou plutôt, d’un artichaut.
Nous, les hommes, aurions au cœur, une nature d’amour, mais, pour l’atteindre et la laisser briller jusqu’à englober nos congénères, nous devions nous dépouiller des couches superficielles qui l’a recouvraient ! Ces wagons de couches menées par le doute seraient la source de bien des maux que nous nous infligions à nous d’abord, aux autres, ensuite. Cette solution était pour moi doublement satisfaisante : Elle me permettait de m’éloigner du jugement puisque la nature de l’homme ne paraissait plus binaire (Bon/ mauvais), mais évolutive, et elle m’offrait le cadeau d’humilité de comprendre qu’étant inclue dans cette humanité, et ne sachant absolument pas où j’en étais moi-même du degré de dépouillage de mes couches, je ne pouvais qu’accepter les autres tels qu’ils étaient. Ils faisaient probablement de leur mieux et moi aussi.
L’image de ma personne crucifiée contre un arbre à laquelle ces individus envoyaient des flèches me revint alors. Et là, ce fut clair pour moi. Si leur stade d’évolution était celui-ci, d’envoyer des flèches, il me restait un choix, moi : Celui de dénouer les liens qui me gardaient à cette place, de faire un pas de côté, et de quitter leur champ de bataille. Faute de combattant, la bataille prend fin. En tout cas pour moi. Libre à eux de trouver une autre cible.
Mais renoncer n’est pas aisé. Les émotions clapotent, bouillonnent, débordent même parfois. Il faut alors faire la jauge entre le prix à payer et le bénéfice escompté. Et il peut être très élevé. Matériellement ou émotionnellement. Pour le matériel, nous arrivons nus et repartirons nus. Pour l’émotionnel, on fait comme on peut. On peut s’aider en se disant que pardonner ne veut pas dire oublier, et se remettre en boucle la phrase de Nelson Mandela : « Dans la vie, soit je gagne, soit j’apprends. » Apprendre de certaines mésaventures vous dépouille d’un coup de plusieurs couches de superficialité et hâtent votre montée vers votre nature : AMOUR
NB : Je demande pardon aux scorpions dont les hommes ont interprété la nature selon leurs critères. Contrairement aux hommes, toutes les autres composantes de notre monde ne font mal que lorsqu’elles doivent se défendre, ou lorsque c’est nécessaire à notre survie. Nous avons le monopole du mal pour le mal…