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De l’identité de la Guadeloupe

Hummmmmm, l’identité….

Chaque billet d’humeur est lu différemment par chaque lecteur.

Nous avons tous et toutes nos propres filtres par lesquels transitent nos pensées et surtout nos émotions. Cependant, Certains billets sont plus délicats à écrire que d’autres parce que frôlant des domaines comme la politique ou l’identité.

Autant prévenir tout de suite : Celui-ci en fait partie.

Mais il est avant tout une ode à mon île, la Guadeloupe, dont je m’enivre, à chaque respiration, dont j’aime tout, le moins et le moins bon, les qualités et les travers. J’ai fait le choix de m’y installer avec ma famille il y a de ceci vingt et une années et, pas un instant je n’ai regretté cette décision.  Quel que soit l’endroit dans lequel on choisit de poser ses bagages pour un temps plus ou moins long, on a le choix d’y déceler des bribes de Paradis ou d’enfer ; Mon choix est clair : Chaque matin, ouvrir portes et fenêtres et voir mon regard s’emplir de tant de beauté me terrasse littéralement de bonheur. Pour être sûre de bien entamer un jour nouveau, rien de plus simple : ne pas m’informer des remous du monde au travers d’un quelconque appareil électronique : Juste inspirer, pousser la porte, expirer, et remercier. Le reste peut attendre.

Cette île, donc, lorsque j’y ai débarqué il y a vingt ans, j’en avais, instinctivement, absorbé l’identité. Loin du Doudouisme auquel se réfère certains, j’en avais humé la profondeur. Atterrir dans le Nord Grande Terre m’y avait probablement aidée. Cette terre, aussi aride que fertile, ces grandes étendues où jamais votre regard n’est heurté par la laideur d’un immeuble construit pour annihiler toute ambition, cette paisible lenteur qui invite à une profonde respiration, m’ont, dès le départ offert un tempo à l’opposé de ma trépidante vie parisienne, délaissée celle-ci avec bonheur. A mon arrivée, je pensais comprendre cette langue aux mille couleurs, le créole, avant de me retrouver face à des personnes âgées, clientes de mon restaurant, à Morne-à –l’eau qui m’ont fait comprendre par la richesse et parfois la rudesse de leur langage que cette culture et cet idiome étaient loin des clichés bêtement véhiculés par certains qui voulaient la réduire à une pâle copie de la langue de l’ancien maître. 

Cette langue riche et complexe a en elle imprimée toutes les cultures qui l’ont composée, toutes les joies et les peines qui l’ont magnifiées ou écorchées.

Mon propos, aujourd’hui, en plus de cette éloge à mon île est celle-ci : Année après année, avec une accélération certaine ces derniers temps, les habitants de cette île changent de visage. La Guadeloupe se vide de ses jeunes, délaissés, oubliés de toute réelle politique d’avenir pour eux. Nombreux font le choix de déserter cette terre et ces eaux qui les ont vu naître et ont encouragés leurs premières brasses. Comme leurs parents ou leurs parents à l’époque du BUMIDOM (Bureau pour le développement des migrations dans les départements d’outre-mer vers la métropole) ils embarquent pour la métropole afin de s’y construire un avenir meilleur quand il ne s’agit pas tout simplement d’un avenir. Quand on sait que le chômage touche, ici, 60% des jeunes, on ne peut que les comprendre.

Cependant, comme dans un système de vases communicants, de plus en plus de métropolitains, jeunes eux aussi, débarquent sur l’île …et, très rapidement, y trouvent leur place ! Comment expliquer ceci ?

L’une des explications est que, lorsque les politiques délaissent leur devoir, c’est aux citoyens de prendre le relais ! Certains l’ont bien compris, qui créent des groupes Facebook ou des réseaux et organisent de façon méthodique la venue des leurs : Je parle ici de certains métropolitains. Pas tous, évidemment ! Un propos sans nuance se dément de lui-même ! Mais il suffit de chercher sur certains réseaux sociaux pour se prendre la réalité en pleine face.

D’autres parts, lorsqu’on entre dans certains bureaux de Jarry (le poumon économique de l’île), la lumière particulière du soleil, dans nos contrées, est la seule preuve qu’on est en Guadeloupe et non en métropole. Ne parlons pas de certains restos ou autres cercles où le métissage est quasi absent !

Mais la solidarité peut-elle être stigmatisée ? Parfois oui, mais la plupart du temps non. Le meilleur rempart pour y faire face est tout simplement que ceux d’en face, renforcent la leur. Que des réseaux, des cercles, des structures, se créent. Que chaque particulier comprenne que les choix anodins d’aujourd’hui, seront les réalités, parfois définitives de demain.

La Guadeloupe a une identité, multiple, mais forte, ancrée dans sa terre. Cette identité, petit à petit, semble se déliter avec le départ de ses forces vives et son remplacement par d’autres.

Bien sûr, nous sommes dans un monde en mouvements continus et rien n’est gravé dans le marbre, mais qui aimerait aller en Corse si c’est pour y trouver en majorité des creusois, de cantaliens ou des parisiens ? Avouez que le charme y serait grandement altéré !

Alors, ce billet est un appel aux habitants de mon île pour leur rappeler que, si je comprends leurs difficultés vu le coût de la vie ici, la valeur de leurs terres n’a pas elle de prix, car elle représente une garantie future de retour ou non, de leurs enfants. Et la solidarité, lorsqu’il s’agit d’offrir du travail, un logement ou une chance quelconque, doit plus que jamais jouer en faveur de ceux qui, autrement, seront assez désespérés pour aller chercher ailleurs, ce qu’on leur refuse ici.

Et comme ce billet est rédigé au lendemain des élections régionales et départementales où le taux d’abstention a culminé à 69 %, je voudrais dire aux abstentionnistes, refuser d’aller aux urnes, c’est voter pour que rien de change, et parfois pour le néant.

J’aimerais moi, que, une fois que les vieux d’aujourd’hui ne seront plus, que d’autres prennent la relève pour parler le créole, le vrai, riche et complexe, et pas qu’il en reste simplement une sorte de langage policé et frôlant l’insipide …Il en va de l’identité de la Guadeloupe. Et, je m’estime légitime d’en parler, c’est que je suis, moi aussi, une pièce rapportée, mais reconnaissante et respectueuse des valeurs de ma terre – mer d’accueil.

Billet d’humeur, La Guadeloupe