Rachel Kéké : de femme de ménage à députée, une lutte sans fin
Rachel Kéké, la porte-parole de la longue grève des femmes de chambre de l’Ibis Batignolles sort victorieuse des élections législatives. Cette femme d’origine africaine, aujourd’hui députée, est l’icône du combat. Qui est cette nouvelle députée à la verve combative?
« Je fais la fierté de mon grand-père » lâche Rachel Kéké lors de son discours de victoire à son QG de Campagne à Chevilly-Larue, ce dimanche 19 juin. Mais pas que. Cette ancienne femme de ménage fait également la fierté de La France Insoumise (LFI) qui ne tarit pas d’éloges à son encontre. “On n’est pas loin d’une icône, au sens littéral, de notre combat politique. Elle incarne ça de manière naturelle » s’enquiert Hadi Issahnane, conseiller municipal LFI de Chevilly-Larue. Celle qui a porté avec d’autres femmes la lutte des femmes de chambre de l’hôtel Ibis Batignolles à Paris, entre 2019 et 2021, est aujourd’hui députée de la 7e circonscription du Val-de-Marne. Elue au second tour des élections législatives avec 50,3 % des suffrages face à l’ex-ministre des Sports, Roxana Maracineanu (LREM), elle est le nouveau visage qui détonne dans un monde politique, encore dominé par les hommes blancs. Cette position ne dérange pas celle qui a fait de sa vie un combat. « La vie, c’est un combat. La politique, c’est pareil. On prend des coups et puis on repart » a-t-elle dit. Des coups, elle s’y attend. Surtout sur son manque de formation. Elle même reconnait sans problème qu’elle a un niveau scolaire de CM2. Ce n’est point un obstacle pour Rachel Kéké. Elle a promis de « faire du bruit » au palais Bourbon en étant le « porte-voix des sans-voix ».
Une « autodidacte de la lutte »
A 48 ans, la militante CGT est devenue la première femme de ménage à entrer sur les bancs de l’hémicycle. Novice en politique, la Franco-Ivoirienne, habitante d’une cité à Chevilly-Larue (Val de Marne), dans le quartier des Sorbiers, entend bien porter haut et fort la voix des travailleurs et travailleuses « invisibles » à l’Assemblée nationale. La nouvelle députée de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes) part en croisade au Palais Bourbon. Cette « combattante » qui a émergé de la lutte des grévistes de l’Ibis de Batignolles n’en est pas à sa première bataille. À son arrivée en France en 2000, débute son parcours de combattante. Contrainte de déménager souvent, elle doit vivre dans des squats ou se faire héberger chez des amis en banlieue parisienne, pour enfin réussir à se fixer grâce à l’aide du DAL (association Droit au logement, ndlr). Cette « autodidacte de la lutte » comme la qualifie Claude Lévy, le représentant de la CGT-HPE (Hôtels de prestige et économiques) ne semble pas avoir peur d’aller au front. Le terrain c’est son domaine. « Mon intelligence, je l’ai du combat, du réel. Il faut parler terre à terre » a-t-elle avancé. Celle qui promet d’être une députée à portée des citoyens cache derrière son sourire, une volonté de fer.
Une « femme racisée avec un art oratoire incroyable »
Née dans le nord d’Abidjan, dans la commune d’Abobo en 1974, d’une mère vendeuse de vêtements et d’un père conducteur d’autobus, Rachel Kéké a fait tomber Roxana Maracineanu. Femme, noire, immigrée devenue française, puisque naturalisée qu’en 2015, et femme de ménage, elle « veut faire le ménage» à l’Assemblée. « Elle a tout à apprendre d’un point de vue de la politique politicienne, détaille Hadi Issahnane, le co-chef de file de cette circonscription, mais elle peut enseigner plein de choses de la vie réelle à plein de politiques ».
« C’est ce que j’appelle une leader de masse, selon le député LFI Eric Coquerel. Elle a quelque chose qui magnétise, elle est forte, elle a les mots justes, elle n’a pas besoin de lire lors de ses prises de parole. C’est le profil d’une femme racisée avec un art oratoire incroyable » complète celui-ci. Et cet art est son arme apparemment.
Devenue la figure emblématique issues des luttes syndicales et associatives de la coalition de gauche de ces élections législatives, elle se définit comme « féministe » et « défenseuse des gilets jaunes ». Cette « guerrière » compte « secouer le cocotier » à l’Assemblée.
Une chose est sûre, pour Kéké, le chemin vers l’Assemblée nationale est tout sauf un long fleuve tranquille. C’est un autre combat qui débute pour la nouvelle députée. Celui de porter la voix des “sans voix”, comme elle aime le rappeler, et cette fois, dans l’hémicycle.