3 lettres magiques !
Hummmmm, 3 lettres magiques !
Je me souviens avec précision de la 1ère fois que j’ai dit: NON !
J’avais 17 ans.
Ma sœur et moi revenions d’une razzia, aux soldes.
Elle avait une qualité de shoppeuse indéfectible : Dans n’importe quel tas informe de vêtements, elle tirait, telle une pelote de laine, un bout d’étoffe qui se révélait être une merveille ! J’en restais, à chaque fois, bouche bée, éblouie !
Ce jour-là cependant, le joyau lui avait échappé. The Pantalon ! Noir, large, à la coupe et au tombé parfait. Taillé à notre mesure, à toutes les 2. Idéal pour notre petite taille. Pile à la mode de l’époque.
Je su, d’instinct, que ce trésor, déniché par moi, attiserait sa convoitise ! J’aurais dû la jouer discrète ! Mais, trop fière de moi, je lui brandis fièrement mon trophée sous le nez :
– Regarde ce que j’ai déniché ! Je l’adore !
Son regard se figea ! En un centième de seconde, je vis ce que je craignais y apparaître ! Le possessif allégorique qui revendiquait :
– « Il est à moi !!! »
A la place, fine joueuse, c’est d’un ton mielleux qu’elle m’offrit son plus beau sourire accompagné de cette phrase :
– Il n’est pas mal, en effet ! J’en ai trouvé 2 très sympas aussi ! Celui-ci devrait bien t’aller, ajoute-t-elle en me tendant un truc qui, à mes yeux, n’avait aucun charme. Je veux bien l’échanger contre le tien !
Dans ma tête, une 2è alarme raisonna : « Je veux bien » ! Oh la la ! Elle avait décidé de la jouer finement, me faisant miroiter une faveur ! J’étais piètre stratège, face à elle. Je le savais et ne me faisais aucune illusion ! Aussi, une 1ère fois, le regard fuyant, comme si j’osais braver un géant, c’est tremblante que je les entendis sortir de ma bouche, ces 3 lettres :
– NON.
Terrible sensation ! Un étrange mélange de joie et de crainte mêlés. Son état de sidération à elle fut tellement furtif que je crus l’avoir rêvé ! Mais, sûre de me faire recouvrer raison (il ne manquait plus que ça ! Un «Non » de Coco : la bonne blague ! Ha Ha Ha)
– Ok, je te fais un super cadeau, alors ! Crois-moi, je risque de le regretter : Je te laisse les 2 que voici ! Elle accompagna son geste de la parole et fis mine, de l’autre main, de récupérer son dû. MON pantalon ! Une simple formalité. Un échange banal.
– Non, B….., Je veux le garder ! Je le trouve trop beau !
Son regard planté dans le mien m’exprimait clairement sa pensée :
– « Bon, Coco, assez plaisanté ! Tu sais que tu céderas » !
Et cette lance qui, en temps normal, aurait signé ma reddition, cette fois m’arma de courage !
– Je ne plaisante pas ! Je veux le garder ! Tu en as plein, toi, de beaux pantalons, moi, non ! C’est tellement rare, avec mes formes d’en trouver un qui m’aille ! Non, B, je préfère le garder.
– Ok, me répondit-elle magnanime ! Tu me le donnes, tu prends les 2 autres, ET je te le prêterai de temps en temps en plus !
Là, je faillis fléchir. Après tout, j’avais tout à gagner. Etre la propriétaire du pantalon n’était pas très important, puisqu’on m’en promettait la jouissance !
C’est alors que quelque chose dans ses yeux changea la donne. Sa victoire, sous forme d’ironie, se dessinait déjà dans sa magnifique prunelle noire. Un rictus, là, au bout de la lèvre droite, me signifiait parfaitement que, c’était bon, il était temps de mettre fin à ce caprice ! Le regard de la vendeuse, exprimant clairement de la pitié à mon égard acheva de propulser hors de moi ces 3 lettres, bloqués au fond de ma gorge depuis longtemps, bien longtemps, trop longtemps !
– NON ! NON, B, cette fois-ci, je ne te le donnerai pas ! Je le garde, Je TE le prêterai de temps en temps si tu veux !
Nos regards s’affrontèrent ! Toutes deux ahuries ! Moi, de mon audace, sortie de je ne sais quel abyme ! Elle de mon culot, à lui opposer un refus !
En silence, nous clôturâmes le shopping. Nous avions, toutes les 2 perdu goût à la recherche d’une merveille : L’unique pépite avait d’ores et déjà été découverte.
Et puis, elle, devint froide, raide comme l’outrage, presqu’indignée de mon aplomb. Moi, je me tenais droite, silencieuse, terrifiée par les possibles conséquences de mon refus, et terriblement fière d’avoir osé dire non ! à elle, qui plus est : Ma sœur, ma meilleure amie, mon modèle en hardiesse ! J’avais osé braver mon maître ! Les conséquences seraient probablement terribles !
Le chemin du retour se fit en silence. L’arrivée du bus ne fut jamais aussi longue que ce jour-là, du moins en fût-ce mon impression. Le trajet dura des plombes. L’arrivée à la maison fut glaciale. La soirée, les jours qui suivirent furent atroces ! J’étais mise au ban de son affection. Même pas foudroyée du regard, pire, ignorée ; Je n’existais plus.
Au bout de 10 jours, alors que j’étais prête à rendre l’arme aux 2 jambes, elle m’offrit la plus belle des victoires :
– Bon, ok, je veux bien te reparler. Je crois que tu as dû maintenant réaliser ton erreur. Et pour te montrer que je te pardonne, je te donne ce tee-shirt que tu aimais temps.
Elle avait sorti un vieux truc rouge (ma couleur préférée) de l’armoire et me le tendais, magnanime.
– NON, MERCI. Je garde mon pantalon et je ne changerai pas d’avis.
Je su que, cette fois-ci, c’était réglé ! Le sujet était clos ! Et c’est moi qui en avais choisi le terme. Elle m’observa. Et compris. Compris que j’étais prête à en payer le prix …et que, finalement, elle avait elle aussi, intérêt à me garder son amour…malgré tout …
Ce fut mon 1er « NON » ferme et définitif ! On parle de l’âge du « non » chez les enfants, autour de la 3è année. Le mien se montra juste avant ma majorité.
Il ne signa pas, pour moi, une ère nouvelle ! Loin de là ! Ces 3 lettres trébuchèrent encore souvent, très souvent, trop souvent, mais, de mon expérience, ce que je peux vous affirmer, c’est que ce sont 3 lettres qui gagnent à être usitées, souvent, c’est grâce à elles que lorsque l’on prononce alors : OUI ! C’est accompagné d’une grande plénitude, parce qu’on sait qu’on les a choisis, comme un mariage d’amour, et non de raison !
D’ailleurs, connaissez-vous cette expression aux Antilles ? « Oui, c’est la paix ». C’est vrai et c’est faux : C’est la paix de l’instant, mais certainement pas celle du cœur. D’ailleurs, mes amies, autour de moi, les plus généreuses, aimantes, aidantes, prêtes à accourir au moindre souffle de contrariété, sont celles qui maitrisent l’usage du « Non » !!
Alors, vous, à ce billet d’humeur, vous me dites, OUI ? ou NON ? Je vous laisse le choix. Quelle qu’elle soit, j’accepterai votre réponse. Si et uniquement si, elle est dictée par la bienveillance. Parce que, OUI, pour notre bien, le mot le plus approprié à nos doléances est parfois : NON !