Du défauts des autres…
Hummmmm, je suis perplexe : Les défauts des autres…
« Votre robinetterie devrait être plus soignée. »
Elle m’a sorti ça comme ça, l’air pincé, le ton extrêmement réprobateur, comme vous pouvez l’imaginer.
J’étais là pour l’accueillir, sourire aux lèvres, heureuse de lui présenter ce superbe studio avec vue sur mer. Totalement concentrée sur ma tâche et portée par mon enthousiasme, je n’avais pas remarqué que seul son mari m’écoutait en me rendant mon sourire. Elle, avait fait 2 pas dans l’appartement, puis s’était figée devant l’entrée de la salle de bains, le regard à l’affut de la moindre trace de calcaire. Et, comme on finit toujours par trouver ce sur quoi notre esprit se concentre, c’est d’un ton éminemment victorieux qu’elle avait proclamé sa victoire !
– Votre robinetterie devrait être mieux soignée. Elle est quasi crasseuse !
Bien que rodée à cette fonction d’accueil qui vous prépare aux questions impromptues et aux remarques diverses, je fus désarçonnée par cet assaut ! Peut-être parce que mon flair, d’ordinaire très aiguisé avait failli à m’alerter sur la nature un peu belliqueuse de ladite cliente. Avant même que j’eusse eu le temps de répliquer, son époux vint à ma rescousse :
– Ne faites pas attention, elle se targue d’avoir la robinetterie la plus étincelante de l’univers et a tendance à faire une fixation sur toutes les autres.
Je lui offris un petit sourire de gratitude en retour, mais comment « Ne pas faire attention » quand ma tâche, dans cette activité de conciergerie touristique consiste précisément à cela ?
Je vins donc inspecter l’objet du délit, le lavabo prétendument crasseux, et comme supposé, découvris 2 minuscules tâches de calcaire qui n’auraient pas cru mériter un qualificatif aussi tonitruant !
Je m’excusai auprès de la cliente pour cet affront à son regard, et poursuivi la visite pour son mari qui redoubla d’enthousiasme, tentant généreusement d’occuper l’espace de joie délaissé par sa moitié.
En sortant de ce studio, me revint une autre scène : Moi, dans un restaurant, quelques jours plus tôt, déclarant de manière péremptoire que, systématiquement, je demandais en entrée (dans les restaurants de Guadeloupe), des accras de morue, parce que, la saveur et la réussite de ceux-ci étaient de bon augure pour la suite du repas ! Si les accras se révélaient quelconques, ou pire, mauvais, je craignais le pire pour le reste du repas. J’affirmais cela sans malice, confortée dans mon analyse par ma certitude à moi, d’avoir une recette exceptionnelle.
Analysée à la lueur de la réaction de ma cliente, je réalisai subitement que ma réaction, à ce moment, était tout à fait semblable à celle de celle-ci. Je jugeais la cuisine des autres en prenant comme mètre étalon, la mienne. J’étais tellement persuadée de mon indéfectible BAC+5 en accras, que je me positionnais en juge ! Cette femme, Doctorante en astiquage de robinetterie, me tendait donc un miroir déformant dans lequel je me reconnus.
Ceci peut sembler un détail, mais par quoi commence l’intolérance ? Par de petites différences de perceptions, de minuscules jugements, des détails…
L’acceptation de l’autre est un travail du quotidien, une surveillance d’instant en instant de remise en cause de nos certitudes et de notre faculté naturelle à nous penser dans le vrai.
Et, si vous avez encore un doute, je vous propose de répondre à cette question, souvent posée dans les tests :
« Pour quel défaut avez-vous le plus d’indulgence » Vous vous rendrez bien vite compte que, très, rapidement, vous choisirez un défaut qui vous est familier, très familier, tout simplement parce qu’il vous colle à la peau et que, par ce fait, il devient subitement plus acceptable…
J’ai raison ? Ou j’ai raison ?