Est-ce encore possible de choisir la neutralité ?
Hummmm, je suis perplexe : Est-ce encore possible de choisir la neutralité ?
De nature plutôt pacifique, je me suis longtemps tenue à l’écart de tout conflit. J’évitais, à tous prix, la confrontation. Et le meilleur moyen d’y parvenir était de toujours, rester en marge. Ni pour, ni contre. La posture n’était pas toujours confortable, mais, même quand l’interstice de la neutralité était extrêmement étroit, je m’y sentais dans ma zone de confort. Lorsqu’on critiquait mon manque d’engagement, je me drapais dans l’écharpe de la neutralité.
Plus tard, je découvris, lors de ma rencontre avec le développement personnel, que je n’avais plus à me justifier. Je pouvais répondre aux révolutionnaires de mon entourage, par une série de citations toutes prêtes telles que : « L’obscurité ne peut pas chasser l’obscurité : Seule la lumière le peut. « La haine ne peut pas chasser la haine : Seule l’amour le peut ». Martin Luther King.
Ou encore, du même chantre de la lutte non violente : «J’ai décidé d’opter pour l’amour . La haine est un fardeau trop lourd à porter ». Ajoutez à cela, une vague idée de la notion de Karma, qui justifierait le bonheur des uns et le malheur des autres, et l’affaire était pliée. Je pouvais rester cloîtrée dans ma bienheureuse neutralité, insensible, sourde aux hurlements des opprimés de ce monde.
Et puis, un jour, au détour d’une conversation avec ma meilleure amie, une femme à la personnalité bouillonnante, tranchante, affirmée, je me suis posé cette question : Ma neutralité serait-elle une forme de lâcheté ? Loin de la sagesse dont je me réclamais ?
Cette posture était-telle une imposture ? Quelle peur dirigeait donc ce choix ? Et comment justifier le fait d’accepter tant d’injustices ? Je commençais à réaliser que l’inaction revenait peut-être à cautionner certaines abominations. Je n’eus pas à me poser longtemps la question. Telle la boîte de Pandore ouverte, les faits d’actualitérelatant les délits de faciès envers les Noirs, les brutalités, les attitudes méprisantes se déversèrent sur moi, comme pour rattraper le temps perdu. Au même moment, je réalisai que je ne pouvais, d’un côté, admirer des femmes telles que Fatou Diome, Angélique Kidjo, ou Aminata Traoré, et tant d’autres : Ces femmes, qui, inlassablement, prenaient clairement le parti pris de monter au front et de désigner avec vigueur les coupables de la violence envers les Noirs.
Et, comme pour mettre un point final à mon hypocrite neutralité, je tombai sur cette citation : « Ce qui m’effraie, ce n’est pas l’oppression des méchants, c’est l’indifférence des bons ». Vous aurez peut-être deviné, de qui est cette dernière citation ; Oui, Martin, Luther King.
Il y aura toujours un moyen de justifier ses choix. Mais lorsque nous nous posons, avec franchise cette question : Où plaçons-nous notre humanité ? La réponse surgit, limpide, et le cadre se fixe du côté des bafoués de ce monde, car la cruauté, la bêtise, et tous les sentiments inspirés par la peur, ne se rangent eux, jamais, du côté de la neutralité.