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Qui est votre influenceur ?

Hummmmm, le meilleur des influenceurs…

J’avais déjà parlé de cet homme âgé (et non vieux), que je rencontre quasi quotidiennement sur une plage de Guadeloupe lors de mes activités sportives matinales. Toujours présent, je le vois arriver dans sa petite voiture blanche, quasi à heure fixe. Il en sort d’une démarche alerte et la courbe de son dos n’enlève rien à sa droiture intérieure qui transparait aussi bien dans son regard que dans chacune de ses attitudes.

Au début de ma reprise du sport, j’avais évidemment, des accès de paresse ! « A quoi bon, me disai-je ; Louper une séance de temps en temps n’aura aucun impact sérieux sur mon bien-être ni sur ma santé » ! Et puis, je pensais à ce Monsieur, je repoussais alors mes draps et, d’un bond, enfilais mon maillot ou mes baskets ! Et puis, cette activité a épousé mes besoins et j’ai de moins en moins rechigné à m’y présenter. Cet homme m’intriguait au quotidien. Je voulais en savoir plus sur lui, connaître son parcours. Découvrir le secret en lui qui lui faisait enchainer des mouvements de yoga qui relevaient pour moi, de l’acrobatie. Et ceci, sereinement, toujours !

Un jour, j’ai pris mon courage à deux mains et l’ai abordé. Il répondit gentiment à mes salutations et je lui avouai la curiosité qu’il m’inspirait. Après les premiers échanges, n’y tenant plus, je me lançai :

– Puis-je connaître votre âge ?
– 92 ans.
– Et depuis quand avez-vous cette discipline ?
– Depuis toujours.

Nous échangeâmes 3 minutes et je lui demandai s’il accepterait de se laisser filmer par mon téléphone le lendemain. Je tenais absolument à le présenter à ma communauté comme exemple vivant d’autodiscipline ! Il accepta puis…me fit faux bond ! Pendant une semaine, j’eus beau scruter l’horizon à sa recherche, personne ! Ceci ne lui ressemblait pas ! Puis, j’eus une révélation : Je me repassai le film de notre entrevue et cru y relever une légère hésitation lorsqu’il avait accédé à ma requête de le filmer. Sa défection serait alors dû à ma proposition de mise en scène à laquelle il ne souscrivait pas vraiment. Une fois cette conclusion actée, je m’en voulu grandement ! J’avais donc été celle à l’origine de son manquement à sa routine. Je me promis de le laisser tranquille s’il revenait. Ce que j’espérais ardemment, tellement je me sentais coupable.

Il réapparut ! environ deux semaines plus tard ! Mon cœur effectua des cabrioles dans ma cage thoracique tellement je fus heureuse : Pour lui, et pour moi. Il pouvait reprendre ses habitudes et moi, j’étais délivrée de cette lancinante culpabilité. Les premiers jours, je le saluais à distance, par crainte de le faire fuir à nouveau. Le 3è jour, je m’excusai de l’avoir importuné par ma proposition antérieure. Il me sourit, mais ne protesta pas. Preuve que mon analyse avait été juste. Et puis, petit à petit, nos salutations s’accompagnèrent d’un sourire de connivence. Soulagement. Ceci dura plusieurs mois.

Et puis, il y a 3 semaines, je dus changer de plage, le confinement et la distance maximale autorisée étant réduite. Je me rabattis sur une petite plage non loin de mon domicile et, qui y ai-je découvert, faisant quelques mouvements d’aquagym dans l’eau ? Ce cher et digne Monsieur. Il avait dû choisir cette mini plage pour les mêmes raisons que moi. Je ne pus m’empêcher, en pénétrant dans l’eau, d’aller dans sa direction avec un sourire qui devait illuminer tout l’océan. Sa présence, là, me rendait incroyablement heureuse et je réalisai que ce Monsieur contribuait tout simplement à mon bonheur quotidien. Il représentait 1000 leçons à lui tout seul, et j’allais en découvrir plusieurs autres ce jour-là. Il fit quelques pas vers moi à son tour, et c’est lui qui prit la parole en premier. Il nota avec plaisir que nous avions choisi la même plage de substitution, et la conversation se déroula avec fluidité pendant une heure. Finalement, ma routine ce jour-là se résuma à 1h de battements de mes pieds sur place. Il était en verve ! Il me raconta son bonheur de redécouvrir cette plage qui était bien plus proche de son domicile et qu’il avait délaissée depuis des années. J’avais fait de même sauf que moi, c’est une armée de demoiselles méduses ayant passagèrement squatté ce coin qui m’avaient fait déguerpir.

Il avait suffi, hier, que je lui repose la question de ses habitudes sportives pour qu’il m’ouvre enfin son monde. Il me parla de l’environnement dans lequel il était né, avec des parents sportifs, de sa passion pour le sport dont il a fait son premier métier, puisqu’il avait été footballeur professionnel au niveau Européen, de son métier d’architecte ensuite et des célébrités dont il avait supervisé la construction du logis ; De sa famille aimante, de son petit-fils qui avait, lui aussi choisi une carrière sportive… Je buvais du petit lait, heureuse de cette petite fenêtre qu’il m’ouvrait sur son monde et émerveillée d’avoir été jugée digne de cet honneur ! Pour tout dire, j’avais la sensation d’être une élue ce jour-là car, tout au long de notre conversation, plusieurs personnes avaient fait des tentatives pour s’attirer son attention : Il avait, à chaque fois, répondu aimablement mais avec ce p’tit quelque chose qui les maintenait à distance. 

Il était une célébrité locale, je ne le savais pas. Eux le savaient. Et c’est, je crois, ce qui l’a incité à m’admettre un peu dans son monde.  La première fois que je l’avais abordé, j’avais dû passer pour une groupie !

J’ai aimé découvrir que cette humilité que je pressentais en lui était d’autant plus admirable !

Et puis, il m’offrit une dernière petite leçon de vie juste avant qu’on ne se sépare ; A la question :

– Je suis vraiment épatée de découvrir une telle discipline sur toute une vie !

Il me répondit :

– C’est normal : Je le dois à mon corps et à mon esprit et les rares fois où j’ai un manquement envers eux, je leur demande pardon !

Puis, sur un dernier salut, il me quitta.

Chaque jour de cette semaine, je suis arrivée plus tardivement. A chaque fois, mon regard scrutait les baigneurs pour finir par se poser sur cet homme qui m’accueillait avec un sourire aussi large comme l’horizon marin ! On reprenait notre conversation là où on l’avait laissée la veille. Le déroulé de sa vie est un vrai roman ! Et puis, ce matin, à mon approche, il m’a dit ceci :

– Ma chère dame, lorsque j’arrive et que je ne vous vois pas, je guette votre venue, et suis heureux quand vous apparaissez dans mon champ de vision !

Waouh ! Mon bonheur était donc partagé ! Il m’a fallu deux ans et zéro photo pour arriver à ce résultat !

Influenceur est devenu un mot façon sauce tomate, on l’utilise pour tout et surtout pour n’importe qui ! Ce Monsieur, pour moi, est un véritable influenceur, sur moi, et sur d’autres, j’en suis certaines ! Et cette influence est de la meilleure des qualités, parce qu’elle vous élève, gratuitement, sans autre but que de vous ouvrir un monde.

Et vous, avez-vous de tels influenceurs autour de vous ?

Billet d’humeur, Corine Dossa, Influenceur