Ruth Bader Ginsburg : la justice américaine orpheline
La Doyenne de la cour suprême américaine, s’est éteinte ce vendredi 18 septembre 2020 à l’âge de 87 ans. Une disparition qui intervient à 45 jours de l’élection présidentielle. Au-delà du vide crée par le départ de Ruth Bader Ginsburg, sa succession est une équation qui risque de bouleverser la campagne américaine.
Née le 15 mars 1933 à Brooklyn (New York), a perdu sa mère quand elle était au Lycée, alors qu’elle l’encourageait à poursuivre ses études à l’université. Elle continue ses études à l’université Cornell à Ithaca, dont elle est diplômée en 1954. Elle rencontre Martin Ginsburg, qui deviendra son mari la même. En 1956, elle intègre la prestigieuse université de Harvard. Elles étaient neuf femmes sur les 500 étudiants en droit. Ruth Bader finira son cursus à Columbia, major ex aequo de sa promo. A sa sortie de promo, cette mère de quatre enfants peine à s’insérer professionnellement. En 1970, Ruth Bader Ginsburg co-fonde le Women’s Rights Law Reporter, premier journal américain qui se concentre exclusivement sur les droits des femmes, plaide dans six affaires de discrimination basée sur le sexe devant la Cour suprême, et en remporte cinq.
Elle a également fait carrière à l’université : Elle a enseigné à l’université de Columbia de 1972 à 1980. Chercheuse au Centre pour les études avancées en sciences du comportement à l’université Stanford de 1977 à 1978. Le 14 avril 1980, elle est nommée par le président Jimmy Carter à la prestigieuse cour d’appel du district de Columbia, en remplacement d’Harold Leventhal. Treize ans plus tard, le président Bill Clinton la nomme à la Cour suprême. Elle fut alors la deuxième femme à siéger à la Cour suprême, après Sandra Day O’Connor.
En 2009, Ruth Bader Ginsburg est opérée avec succès d’un cancer du pancréas. L’année suivante, elle perd son mari et traverse une période émaillée d’ennuis de santé notamment des cancers, au nombre de quatre. Malgré son état de santé dégradant, elle continue de siéger. En 2019, pour la première fois depuis 25 ans, elle manque des séances de la Cour suprême, pour des raisons de santé. C’est ce même cancer qui l’a emportée ce vendredi 18 septembre 2020 à l’âge de 87 ans.
Une succession mille enjeux
Selon la radio NPR, Ginsburg a dicté ses dernières volontés à sa petite fille, Clara Spera quelques jours avant sa mort : Mon vœu le plus cher est de ne pas être remplacée avant qu’un nouveau président ait pris ses fonctions. Soit après le 3 novembre prochain. Un vœu qu’elle avait émis connaissant les enjeux que son décès allait occasionner. Pour le politologue Jean-Éric Branaa, la disparition de cette alliée des démocrates, à 45 jours de l’élection présidentielle, risque d’entraîner des conséquences sur l’échiquier politique américain. Sa disparition pourrait avoir un impact majeur sur la composition de la cour suprême, arbitre de tous les grands dossiers sociétaux américains (notamment l’avortement, l’égalité entre les sexes, la liberté religieuse ou le port des armes). Les conservateurs disposent déjà d’une courte majorité de 5 juges contre 4.
Jean-Eric Branaa, politologue spécialiste des Etats-Unis dans une interview accordée à 20 minutes monde affirme que « La mort de Ruth Bader Ginsburg enterre la campagne, il n’y a plus de programmes, même la crise sanitaire passe désormais en second plan. Se pose juste la question pour chaque électeur : pour quel candidat voter afin d’avoir un juge qui convient à mes convictions ? La Cour suprême influe directement sur le quotidien des électeurs, autant si ce n’est plus que le président ».
Connue pour ses positions fortes, et les nombreuses valeurs militantes qu’elle incarnait, la question de savoir, qui succèdera à Ruth Bader Ginsburg à 45 jours de cette échéance présidentielle taraude l’esprit des observateurs. Une décision qui revient au président des Etats-Unis. « Il y a neuf juges de la Cour suprême, et avant la mort de Ruth Bader Ginsburg, il y avait cinq juges conservateurs et quatre juges progressistes, dont elle. La question est donc de savoir si avec le prochain juge, on va garder ce relatif serrage de cinq à quatre, en cas de nomination d’un juge progressiste, ou si l’écart va se creuser avec une Cour suprême constituée de six conservateurs et trois progressistes. C’est désormais un sprint qui s’engage pour Donald Trump » s’interroge le politologue précité.