Un envol d’avance
Hummmmm, du riz dans les arbres…
Cela fait un moment que je ne vous ai donné des nouvelles de ma basse-cour itinérante ! Ces poules et coqs djem (appellation locale Guadeloupéenne), qui, en toute liberté, vont de maisons en maisons et qui n’ont d’autres maîtres ou maîtresses qu’eux même !
De leur observation, j’apprends énormément, et ils me surprennent à chaque fois !
J’avais l’habitude de leur acheter du riz que je leur distribuais généreusement ! Puis, me voyant faire un jour, une amie m’a stoppée net dans mon élan de générosité :
– Arrête ça tout de suite !
– Pourquoi ?
– Il s’agit là, d’une mauvaise idée !
– Pourquoi ? Tu n’es pas l’amie des bêtes, toi !
– Des bêtes, si ! Mais aussi des hommes et de la nature !
– Tu m’expliques ?
– En les habituant à des repas multiples et quotidiens, tu les rends paresseux et les empêchent de jouer leur rôle dans l’écosystème local. Ces poules, coqs, poussins, qui vont viennent, au gré de leur envie, passent leur temps à dénicher des fourmis, insectes, et autres scolopendres dont ils nous débarrassent ! En leur mettant le couvert deux fois par jour, tu les empêches de jouer leur rôle, et tu nous prives des meilleurs chasseurs de mille-pattes de l’île !
Mais oui, mais c’est bien sûr ! Son explication me sembla limpide ! Evidemment, je n’avais jamais vu les choses sous cet angle, me limitant à ma joie de les observer se précipiter sur les grains que je leur envoyais, et à ma satisfaction de jouer mon rôle de mère nourricière.
Et puis, tout à l’heure, n’ayant pu terminer mon repas, je décidai de leur envoyer les subsides : Il n’y en n’avait pas assez pour satisfaire toute la tribu et, pour être rassasiés, ils seront bien obligés d’engloutir quelques petites bestioles. Ma terrasse étant à une dizaine de mètres du sol, face à l’abondant feuillage d’un sapotillier, il arrive souvent que, lorsque j’envoie mes restes aux poules, quelques subsides s’accrochent aux feuilles. Ils font alors le bonheur des oiseaux, heureux de venir déguster du riz dans les feuillages. Je ne suis pas en position de savoir s’ils trouvent étranges, le lieu de ce repas !
Mais, en dehors des oiseaux, il y en a une qui, systématiquement, au lieu de baisser la tête vers le sol, à la recherche des grains dispersés, monte son regard, calcule la trajectoire de mon envoi, et s’envole, exactement sur la branche qui aura recueilli le plus de grains. Alors que les autres se disputent, sur le plancher des poules, les grains tombés, elle, en toute sérénité se régale du riz dans les arbres !
Quand-même, me suis-je dit, tout à l’heure, en suivant son manège, quelle astucieuse, cette poule ! Lorsqu’on observe son comportement, elle ne fait jamais rien comme les autres ! Elle fait toujours preuve de créativité pour non seulement ne pas avoir à subir les coups de becs des autres gallinacés, mais aussi pour être la mieux servie ! Je me rappelle, quand je leur distribuais des grains à tout va, au début, elle contournait ma terrasse, et, en silence, venait se poster devant un bosquet. Ainsi, cachée de ses congénères, d’un regard, elle m’adressait sa demande : La nourrir, mais avec suffisamment de discrétion pour ne pas ameuter le reste de la basse-cour ! Ce stratagème fonctionna quelques temps, jusqu’à ce que la reine mère du poulailler ne devine son secret ! C’en était terminé de notre tendre complot. Mais, peu de temps après, elle découvrit cette nouvelle astuce : prendre de la hauteur et ne pas se mélanger à la fange.
Je fis un parallèle de son comportement avec celui des humains. On affirme, notamment dans le domaine du bloggling ou même de l’entreprenariat, qu’il n’est pas nécessaire de réinventer la roue ; Qu’il suffirait pour avoir du succès de copier ce qui fonctionne déjà. Je le comprends parfaitement, mais j’avoue que j’ai beaucoup d’admiration pour les originaux qui font preuve de créativité ! Ceux qui prennent le risque d’innover, qui impulsent de nouveaux concepts.
Aujourd’hui, avec internet, les créateurs ont à peine le temps de lancer une nouvelle idée qu’une foule de poules, incapables de s’élever seuls du plancher des vaches, s’engouffrent dans la brèche.
Mais les créateurs ont toujours un point d’avance et ils seront toujours ceux qui connaîtront la saveur du riz dans les arbres.
Alors, j’adresse à tous les novateurs, un vibrant message. Poursuivez votre quête du beau, du bien, de l’original, il en restera toujours quelque chose, ne serait-ce que l’insipide saveur des copies de votre génie. Et consolez-vous en comprenant ceci : Jamais vos suiveurs ne connaîtront l’inestimable saveur du bonheur que l’on ne doit qu’à son inspiration !
A poulette, l’astucieuse,
NB : Dites-moi en commentaire si vous avez déjà pris le parti d’avoir un envol d’avance.