Carpe diem
Hummmmm, La langue fourchue du Diable !
Alors que je terminais ma marche matinale et sableuse, ce matin, je m’arrêtai pour admirer le roi soleil, qui s’était levé 30 minutes plus tôt et, sur les flots scintillants et frémissants, étalait maintenant sa splendide robe de lumière. Je soupirai de bonheur et mon regard, émerveillé, transmettait à chaque atome de mon corps la joie de ce spectacle vivifiant. J’inspirai, et, à l’expiration, mon souffle fut littéralement coupé par une conversation que je n’avais pas invitée à s’immiscer dans mon moment de béatitude.
Il s’agissait de dames, assez âgées qui, après s’être saluées, enchainèrent !
- Il va faire beau, aujourd’hui !
- En effet, il va faire grand soleil.
Mon sourire s’élargit dans leur direction, ne s’attendant pas à la suite.
- Mais, faut pas toujours se fier à ce temps, hein ! Il peut y avoir un grain, à tout moment ! (grain, aux Antilles, veut dire pluie)
- En effet, moi, je me méfie ! On croit qu’il va faire beau, et puis le temps change ! Je me tiens toujours sur mes gardes !
- Ah oui, moi aussi hein ! L’autre fois, j’étais tranquillement assise dans mon jardin, quand une fine pluie a commencé, et j’ai dû courir me mettre à l’abri
- Ah oui ! c’est parfois traitre hein ! Moi…….
Là, je pris la fuite, secouai la tête, et tentai de comprendre ce qui venait de se passer !
1°), La splendeur ambiante et la sublime lumière du jour avaient incité ces dames à parler du temps
2°) Au lieu de s’en tenir là et d’admirer le spectacle, elles y insérèrent aussitôt le ver du doute
3°) Le pauvre soleil, qui n’était que générosité, s’était vu qualifier de douteux, de malfaisant, puisqu’il fallait se méfier de lui, et il finit, en apothéose, en traitre !
Pauvre roi qui, même lorsqu’il offrait sa plus belle lumière, se voyait chercher des poux et secouer les quelques recoins sombres de sa parure.
Lui, qui n’était qu’éclat, luminosité, se transformait, sous ces regards biaisés, en sombre comploteur !
Je pris sa défense en lui adressant une prière de gratitude, puis ma pensée revint à ces dames.
L’instant présent, Mesdames ? En, avez-vous déjà entendu parler ? Pourquoi ourdir tant de méfiance quand rien ne s’y prête ? Si vous deviez, ce jour, aller travailler aux champs, je comprendrais un peu qu’il y ait une raison de se méfier ! Mais non ! La seule herbe que vous approcherez, ce jour, sera probablement celle de votre jardin. Il me semble difficile, ayant vos portraits en tête, de vous imaginer sur un échafaud, bâtisseuses de maison, ou à genoux sur un toit à réparer des tuiles. Ceux exerçant cette profession pouvaient, à la limite, se poser ces questions ! Et encore ! Cela n’empêcherait pas de profiter du moment présent.
ALORS, pourquoi ? Pourquoi rejeter des raisons de se réjouir en supputant sur une éventuelle dégradation du temps ? Là, vous me demanderai pourquoi je grimpe au cocotier, moi, alors qu’il ne s’agit que du plus banal des sujets ?
Tout simplement parce qu’il s’agit d’une tendance des êtres humains. Certains, dont je fais partie, verront toujours les dorures du soleil en premier, ne se pencheront sur l’ombre que si elle est déjà présente, et ne s’en méfieront que lorsqu’elle se sera transformée en orage. Et, même à ce moment-là, une fois à l’abri, trouveront le moyen de contempler la sombre beauté du ciel. Ceci est, bien sûr, une image. Il s’agit, ici, d’adopter envers la vie une attitude confiante, de profiter de ce qui est, sans se préoccuper (pas plus que nécessaire) des éventuelles dégradations.
Cette attitude m’a valu bien des déboires, et m’a fait passer pour une inconsciente, naïve, incapable de prévoir des lendemains moins rutilants. Mais je persiste. Refuser d’intégrer la possibilité d’un danger à chaque minute de sa vie, ne veut pas dire qu’on l’ignore. Ça veut juste dire qu’on en connait la possibilité, mais qu’on refuse, par avance, de vivre les émotions qui y sont liées. Il sera bien temps une fois la crise parvenue à nous.
Je ne donne pas non plus de leçons à qui que ce soit. Je trouve juste triste cette inclination à la négativité, qui, prive de moments de joie. Garder notre joie et la voir se refléter dans les moindres détails, est presque un acte de militantisme, par les temps qui courent ! Et je reconnais que, lorsque ces femmes ont, à un moment, imploré Dieu, dans leur conversation, j’ai eu envie de leur rétorquer qu’il faudrait, pour laisser la place à celui-ci, virer le Diable et sa langue fourchue de leur bouche !
Et vous ? Parvenez-vous à vous réjouir malgré le chant général de tous les prophètes de l’apocalypse ? Dites-le moi en commentaire.
Crédits photos : Angus Thompson
Corine DOSSA
Merci à toi, Marie-Antoinette d’avoir accepté cette fenêtre dans mon monde où l’instant T est le roi incontesté ! 🙂
Marie-Antoinette Séjean
Merci Corinne Dossa pour cet article ouvert sur l’instant présent qui me fait tout simplement bien commencer ma journée !
Bel bo ek bénédiksyon
Belles (grosses ) bises et bénédiction en kréyol
Marie-Antoinette