Chers amis blancs
Hummm, question très délicate…
La période agitée que nous venons de vivre, et qui perdure encore, suite au décès de Georges Floyd, citoyen noir Américain assassiné par un policier blanc aux Etats-Unis, a été sources de multiples interrogations que je m’étais toujours refusée à envisager. Seulement voilà, certaines circonstances vous obligent à un choix : Affronter un mur d’ignorance ou de mauvaise foi, ou reculer, mais…pour mieux s’y cogner la fois suivante.
Michèle Obama, l’épouse de l’ex-président Américain, Barack Obama, a mieux que moi, exprimé mon désarroi et mon indignation, sentiments doubles qui se partagent actuellement mes pensées. En substance, sa réflexion est celle-ci :
« Le combat des noirs pour l’égalité des chances et des droits ne pourra être gagné, que lorsque les blancs s’y engageront aussi ».
Les personnes à la peau connotée noire devront continuer, inlassablement à revendiquer L’égalité de droits avec leurs compatriotes dits blancs, c’est certain. Les enjeux économiques et géopolitiques qui sous-tendent un racisme institutionnalisé sont tels que rien ne leur sera donné gratuitement ! Pas le moindre égard ! Absolument RIEN ne leur sera donné sur le simple constat de leur humanité !
Or, être noir, se vit, au quotidien, dans sa chair ! Aucune personne dépourvue de ce taux de mélanine ne connaîtra, un jour, ce qu’implique d’être noir dans un monde créé, forgé, par les blancs, pour les blancs, et dominé par eux !
Et, ceci est aussi vrai pour le blanc qui vit dans son pays, que pour celui qui vit dans un pays Africain où les mœurs colonialistes persistent, masquées par une parodie de démocratie à coup d’élections fantômes. Cette réalité s’étend, bien sûr, à une île, comme la Guadeloupe où je vis, et qui, bien que Française, a une population composée en majorité de noirs dont les ancêtres furent mis en esclavage, avec une brutalité qui n’a d’égale que la douce saveur des cannes à sucre surgies de terre, arrosées de leur sang et de leur sueur. Le simple fait d’être blanc, donc descendant du pays esclavagiste donne, implicitement, un statut que le noir n’atteindra jamais !
Le problème, aujourd’hui, réside dans la tranquille certitude qu’ont la plupart des blancs, qu’être raciste, implique une action active ou alors l’appartenance à un dogme prônant la supériorité blanche. La plupart n’intègrent pas que, rester passif dans un monde d’inégalités signifie, de fait, cautionner et laisser perdurer ces iniquités. Beaucoup ne se sentent pas concernés. Oh, bien sûr, il y a de ci, de là, ce petit frémissement, un hoquet indigné lorsqu’est mis à jour un acte patent de racisme avéré. Mais que s’ensuit-il ? Une indifférence polie justifiée par la mise au ban morale des rares individus incriminés.
Alors, comment s’étonner que les blancs vivant dans d’anciennes colonies ne remettent pas en question le partage de richesses ? Au mieux la question ne les effleure pas, au pire ils s’en offusquent. Comment leur faire intégrer, sans les culpabiliser, la réalité de ces inégalités ainsi que leur origine, vol, pillage, soumission d’autres peuples, leurs conséquences : crimes , brutalités, pauvreté ?
Certains, confrontés à ces réalités, brandiront l’argument d’une histoire passée qu’il serait grand temps d’enterrer : Du style « Oui, ok, d’accord, mais à quoi cela sert-il de remuer toute cette boue » ? Toute cette boue du passé, mes chers amis blancs, éclabousse aujourd’hui la moindre de vos pensées d’insoupçonnable supériorité, vos actes, des plus petits au plus grands, votre vie entière en est imprégnée puisque ce passé, loin d’être révolu poursuit sa macabre action jusqu’aujourd’hui !
Sachez, chers amis blancs, que, dans les îles Françaises, comme la Guadeloupe que je connais et où je vis au quotidien, l’économie est toujours dans la main des békés, ces anciens esclavagistes revendiqués qui, grâce à leur fortune et la proximité dont ils jouissent auprès du pouvoir, décident de notre pouvoir d’achat à nous ! C’est eux qui fixent les prix, et choisissent, bien au-delà de leurs prix de revient, de nous vendre à 4 euros 30 un dentifrice qui, en France, couterait 1,80 euros. Décidant, de la même manière, de maintenir un peuple dans la misère économique et sociale, mère de tous les vices de nos sociétés.
Comment vous faire comprendre, à vous, mes amis blancs, que si l’école est gratuite chez vous, c’est parce qu’elle est inaccessible dans nombre de pays africains ? Que l’argent que l’état Français et les grandes entreprises Françaises s’approprient en Afrique finance l’économie française quasi exclusivement ? Que cet argent ne contribuera jamais à la construction d’écoles, de routes, ou d’hôpitaux dans ces pays que Vous avez choisi d’appeler le tiers monde ?
Tant que vous n’aurez pas admis cette équation, vous ne pourrai comprendre notre ressenti, nos luttes et nos revendications. Vous êtes pour la plupart, de bonnes personnes, pleines de bons sentiments, mais, comme l’a fait une universitaire américaine, pesez-vous cette question : Si on vous laissait le choix : être blanc ou noir dans la société d’aujourd’hui, vous choisirez tous, sans exception, d’être blanc : Pourquoi ?
James Baldwin parlait déjà, en 1948 de « l’apathie morale », et de la « mort du cœur », d’une grande partie de la population blanche 52 ans plus tard, les choses ont changé, me répondrez-vous peut-être, mais si peu, si peu ….
Alors, si, de temps en temps, notre désespoir éclabousse votre quotidien, c’est un bien petit prix à payer …peu, si peu… Ne croyez-vous pas ?
Références : James Balwin : « I’m not you’re negro »
Série Netflix : « Chers amis blancs »Document Netflix : « The 13 th » (13è amendement)