Déconfinement : comptes et mécomptes des couples
Après deux mois de confinement, nombreux sont les pays européens qui ont entamé un retour progressif à la normale. Un peu de liberté retrouvée donc pour des populations cloitrées chez elles pendant de longues semaines pour des raisons sanitaires liées à la pandémie du coronavirus. En France, en Italie ou encore en Espagne, les individus et les familles ont dû, non sans mal, apprendre à se conformer aux consignes des autorités, notamment au hashtag #Restezchezvous! Même ceux qui se plaignaient du manque de temps pour vivre la chaleur familiale, ont été surpris par ce changement radical et totalement inattendu. Certes, cette situation a sans doute permis à certains couples de raccommoder le tissu conjugal lacéré par les activités journalières et les engagements professionnels. Pour autant, tous les foyers n’ont pas vécu le confinement de la même manière. Et pour cause !
L’affranchissement des violentées
Des couples qui avaient l’habitude de se voir quelques heures seulement par semaine, ont été obligés de passer des jours ensemble dans des espaces parfois très étroits. Un contexte favorable à l’exacerbation de certaines tensions. Ce qui laisse penser que durant cette période de confinement, il y en a qui ont vécu l’enfer entre les quatre murs. En France, la secrétaire d’État à l’Égalité femmes-hommes, Marlène Schiappa, a annoncé une augmentation de 32 % des signalements de violences conjugales depuis le 17 mars. Un chiffre qui fait froid dans le dos. Au Sénégal où le confinement était partiel, l’Association des juristes du Sénégal (l’AJS) a reçu des signalements pour des cas de violence directement liés à la situation. De nombreux témoignages ont également circulé sur les réseaux sociaux et dans la presse. “Je vis des moments difficiles avec mon mari qui, à la base, est d’un naturel impulsif. Il est capable de s’énerver pour une histoire banale“, a confié Nabou Ndiaye au quotidien L’Observateur.
Les incompréhensions ou disputes banales constituent un terreau fertile pour l’incompatibilité d’humeur, motif de plusieurs cas de divorces. Les réseaux sociaux qui permettent de s’évader virtuellement de temps en temps, sont aussi à l’origine de conflits. Face à la routine et l’oisiveté, on a du temps pour s’occuper des détails, pour bavarder pendant des heures alors qu’en temps normal, un coup de fil de trois minutes suffit pour prendre des nouvelles de ses proches. Loin de la plage, des parcs ou bars, on s’enferme dans une chambre ruminant colère et anxiété. D’après une étude menée par l’Ifop, un Français sur dix envisagerait de “prendre ses distances” après le déconfinement, et 4 % des Français(e)s de tirer un trait sur leur histoire. La situation exceptionnelle aurait révélé des failles insurmontables, et accéléré les décisions de rupture.
Déconfinement ou nouveau départ
Le malheur des uns fait le bonheur des autres. Ils sont nombreux à dire que le confinement nous a permis d’avoir du temps pour notre famille après des années de vie de couple ou après un récent mariage. Il est intervenu dans une période où le capitalisme a fait que le temps est converti en argent. A un moment donné les occasions qui réunissent les membres de la famille ou le couple n’existent plus. Or, la sociologie de la famille nous apprend que la fratrie a besoin des cadres de concertation, des moments de communion et de divertissement. De ce fait, des couples en ont profité pour donner du goût à leur relation affadie par les activités de la vie. La notion de temps perdue a été retrouvée. Une aubaine pour les jeunes couples. Parfois au bureau jusqu’au-delà de 22 h. “Je dirais que ce confinement partiel est plutôt facteur de cohésion sociale, d’entente ! Mon mari et moi, nous nous entendons bien. Même si ça a toujours été le cas, l’intensité a augmenté“, a confié Yacine Ba. L’heure est au rattrapage du temps perdu. La famille retrouve son tableau d’antan. Cette institution sociale qui a suffisamment du temps pour encadrer ses membres afin d’avoir une société pleine d’humanisme se redéfinit. Fatou Mbengue “Badiénou Gox” (relais/médiatrice communautaire) pense que le couvre-feu a beaucoup contribué au rapprochement et à la paix sociale au sein des ménages, car depuis l’instauration de l’état d’urgence, elle est rarement sollicitée pour régler des différends conjugaux à Dakar.
Au demeurant, ce fut des mois d’angoisse et de stress pour les uns, et des mois de retrouvailles et d’union pour les autres. Une période diversement appréciée qui, en dehors du volet sanitaire a impacté les foyers. Pour le psychologue Abdoulaye Cissé, les effets du confinement dans les couples peuvent être appréhendés sous deux angles. Pour les effets positifs, le psychologue parle du renforcement de l’intimité du couple. Pour l’autre, M. Cissé évoque une situation de lassitude, des querelles et même des violences conjugales que le confinement peut installer dans la vie du couple. D’après l’observatoire des ventes Nielsen, cité par LSA, les ventes de tests de grossesse ont bondi depuis le 17 mars dernier, date du début du confinement en France. Les ventes de préservatifs sont quant à elles en chute libre. Une situation qui annoncerait des mois fertiles en natalité… Comme quoi, le confinement n’a pas eu que des effets négatifs.