En route pour la maternelle !
La rentrée scolaire approche à grands pas, et il ne reste plus que quelques jours et heures pour affronter la rentrée scolaire si vous avez des enfants. Pour certaines et certains qui ont des petits loups en bas-âge, presque prêts à quitter la crèche, il ne reste plus qu’un an avant de faire le grand saut vers la maternelle. Pour vous aider à mieux préparer cette étape importante et parfois stressante, Femmes Au Pluriel a rencontré Ema Gomis, une professionnelle diplômée, experte de la petite enfance depuis 17 ans et conseillère pour l’éducation des enfants au sein des familles.
Femmes au Pluriel : parlez-nous de votre parcours, et pour quelles raisons vous vous êtes orientée dans ce domaine de la petite enfance ?
Ema Gomis: Tout d’abord, avant de travailler dans ce domaine, j’ai exercé une activité de comptable, bien loin des préoccupations de l’enfant. Par vocation, j’ai décidé de reprendre le chemin de l’école et d’assurer une formation d’auxiliaire de puériculture. J’ai exercé pendant un an auprès d’enfants handicapés, puis j’ai rejoint la direction de la famille et de la petite enfance au sein de la Ville de Paris. J’y ai travaillé majoritairement en « fonction support » auprès de plusieurs crèches. J’ai exercé pendant 15 ans dans ce métier et désormais, j’officie dans les écoles maternelles et élémentaires en proposant une coordination afin de faciliter le passage parfois délicat entre la crèche et l’école.
FP : Quelle est votre organisation, votre modèle et votre vision de cette transition ? Vous parlez de passerelles.
EG: l’éducation nationale veille à mettre en place et conforter les passerelles aux différents niveaux de scolarisation, notamment lors de l’entrée en maternelle, en CP et en 6ème, afin d’accompagner les enfants et les familles et de prévenir les ruptures scolaires et éducatives.
L’entrée en maternelle nécessite la plus grande attention des professionnels. Des liens entre crèches et maternelles, avec des temps de visites de l’école, des temps partagés avant l’entrée en petite section, dans la classe et à l’accueil de loisirs, sont recherchés.
Ces liens renforcés, tissés entre les établissements d’accueil de la petite enfance, les écoles maternelles et les centres de loisirs, permettront de mieux accompagner le passage d’une structure à une autre, par une adaptation progressive des jeunes enfants.
FP : Quelle est votre perception du passage de la crèche à la maternelle ?
EG: Le passage entre la crèche et l’école peut être désorientant pour un enfant. Son environnement change complètement, ce ne sont plus les mêmes personnes qu’il voit au quotidien, plus les mêmes repères. Il se trouve confronté à une nouvelle organisation sociale des individus où le groupe n’a plus le même rôle ni le même fonctionnement qu’en crèche. Une rentrée toute en douceur, sans cri ni pleur, est le rêve de tous les parents et des professionnels. Pour cela, il est nécessaire de mettre en place un partenariat en amont pour son entrée en maternelle en créant des liens, des échanges et des repères avec la crèche.
FP : Quelles sont les problématiques que vous pouvez constater entre les différents personnels et notamment entre le personnel d’animation et l’équipe enseignante ?
EG: L’accueil des jeunes enfants met en jeu deux processus qui sont la séparation et la socialisation. Il s’agit alors de réfléchir à une adaptation qui facilite la séparation et ne soit pas une rupture. Il faut rendre l’école lisible aux enfants mais aussi à leurs parents.
Il est intéressant de développer des dispositifs qui associent les compétences professionnelles des uns et des autres, dans le souci d’une meilleure transition de la crèche vers l’école.
FP : Quelle est votre vision et votre méthodologie ?
EG: Idéalement, il faudrait organiser des réunions entre professionnels afin de permettre aux deux parties (crèche et école), d’échanger leurs pratiques concernant l’approche du jeune enfant ainsi que leurs outils de travail.
Un référent d’animation pourra aller à la rencontre des enfants à la crèche en organisant des matinées (observation sur le temps d’accueil et de la séparation avec le parent) et des après-midi (observation sur le temps des activités). L’objectif de cette approche est de se présenter, créer les premiers liens affectifs, instaurer un climat de confiance et de référence.
Le référent met en place des rencontres entre les enfants de fin d’année de crèche et ceux de moyenne section de maternelle. Ce choix de groupe d’enfant est motivé pour découvrir et respecter l’autre, diversifier son champ relationnel, et créer ou renouer des liens affectifs en vue d’une rentrée future.
Idéalement, le référent d’animation et coordinateur doit organiser une visite de la maternelle avant les vacances d’été en compagnie des parents et des enfants. Cette visite permettra aux enfants de se projeter pour la rentrée scolaire.
FP : Comment voyez-vous l’espace et l’aménagement dédié à l’accueil des petites sections de maternelle ?
EG: Un bon accueil ne s’improvise pas et il faut professionnaliser de plus en plus l’équipe d’animation et l’aménagement de l’espace.
Tout d’abord, il faut connaître le développement psychomoteur de l’enfant de 2-4 ans car il passe par plusieurs étapes d’ordre psychomoteur, morpho-biologique et socio-affectif. Suivant les dominantes de ces étapes, le professionnel encadrant doit en tenir compte et varier son approche et sa pédagogie pour répondre aux besoins de l’enfant. Un « bon » professionnel est celui qui s’adapte à l’enfant et non l’inverse.
Quelques notions de bases sont importantes à retenir pour favoriser l’accueil et l’encadrement de l’enfant :
Ses besoins de 2 à 4 ans : sur le plan psychomoteur
Le domaine physique
La motricité est encore maladroite: la marche est acquise mais souvent encore mal assurée vers 28 mois; la course et le saut sont en cours d’acquisition.
La motricité fine n’est pas acquise même si l’enfant peut faire preuve de beaucoup de précisions pour certains gestes.
L’enfant ne sait pas s’habiller, se laver, se moucher…
L’enfant mange tout seul: il sait porter une cuillère à sa bouche sans la renverser, il sait utiliser une fourchette
Le domaine affectif
C’est un enfant fragile qui a un grand besoin de repères et de sécurité.
Avec l’adulte, il sollicite une relation privilégiée puis accepte de le partager. Il cherche à plaire puis peut s’affirmer indépendamment du regard de l’adulte.
Avec ses pairs, il les ignore voire les redoute au début. Vers 3 ans ½, il commence à construire des relations d’abord épisodiques puis durables.
Le domaine intellectuel
Beaucoup de changements importants dans cette période pendant laquelle l’enfant passe du « bébé» au «petit enfant».
De 2 à 3 ans :
Pas de repère spatio-temporel;
Ne se projette pas dans ce qu’il ne voit pas;
Comprend l’adulte qui parle simplement en articulant bien;
Combine 2 mots: «papa-pati».
De 3 à 4 ans:
Comprend des notions spatio-temporelles simples;
Comprend des ordres complexes;
Dit son prénom et se désigne par «moi» puis «je»;
Pose des questions;
Nomme spontanément ce qu’il voit.
Ses besoins de 2 à 4 ans : sur le plan harmonieux
Sur le plan physiologique, l’enfant a besoin:
*de repos et de sommeil, d’où la sieste qui devrait débuter peu de temps après le repas.
*d’une alimentation équilibrée.
*de temps pour jouer, le jeu constituant l’activité essentielle de l’enfant.
Sur le plan affectif, il a besoin :
*de sécurité et de sérénité et donc de trouver près de lui un adulte de référence, un personnel stable.
Sur le plan mental, l’adulte doit lui proposer :
*des échanges langagiers (parler avec lui et non devant lui, encourager ses premiers essais langagiers sans obsession corrective, jouer avec la musicalité de la langue).
*des nourritures pour l’imaginaire et l’exutoire: des histoires, des images, des comptines, des chansons.
FP : Selon vous, quels sont les ingrédients pour assurer une bonne intégration de l’enfant dans sa transition ?
EG: Un climat de confiance est indispensable à toute relation durable, car toute relation, même professionnelle, peut être source d’angoisse et d’inquiétude.
Il faut savoir que bien souvent, on accorde sa confiance à une personne sur une impression ou un sentiment. Pour ce premier contact, les parents ont besoin d’être dans une relation de confiance et celle-ci passe par le fait de se sentir écoutés, reconnus en tant qu’individus avec des attentes. Il faut donc prendre du temps pour donner à chacun le temps nécessaire pour apprendre à se connaître.
De plus, pour être en confiance, le parent doit se sentir en sécurité dans ce lieu et avoir l’assurance que son enfant s’y trouvera bien. Pour cela, il est recommandé d’aider les parents et l’enfant à prendre des repères et à se familiariser avec les lieux et le personnel.
Toutes les informations concernant le fonctionnement du lieu d’accueil sont alors essentielles pour rassurer.
FP : Comment concevez-vous l’aménagement d’un espace idéal pour l’enfant ?
EG: Accueillir de jeunes enfants dans un espace aménagé qui répond à leurs besoins ne va pas de soi. Les enfants ont des besoins et des modes d’apprentissage spécifiques. Il revient aux adultes, chargés de leur accueil, de pouvoir offrir à ces très jeunes enfants l’environnement nécessaire à leur bon développement ainsi que les conditions favorables à leurs premiers apprentissages.
Lorsqu’on réussit à conjuguer liberté de jouer et environnement propice à l’exploration et à la création, les enfants sont capables de mener des actions qui durent longtemps. La mise à disposition de matériels, suffisamment riches de possibilités exploratoires, génère de nombreux apprentissages. L’important est de leur offrir les conditions afin de mener au mieux cette aventure.
FP : L’enfant a-t-il besoin de sécurité affective pour se sentir en sécurité ?
EG: Les enfants doivent toujours avoir la possibilité de voir l’adulte de référence, quelle que soit sa place, dans l’espace de jeux. Ils ont besoin de ce contact visuel avec le professionnel encadrant pour être rassurés et pouvoir agir. Ils jouent dans les endroits «éclairés» et «sécurisés» par la présence de l’adulte. Dans le cas contraire, ils se déplacent, transportent les jouets, voire s’arrêtent de jouer.
Les espaces dans lesquels la vue des adultes n’est pas assurée sont très souvent moins investis, notamment par les plus fragiles.
FP : En conclusion, quels sont les conseils et attentions que vous pouvez donner à nos lectrices et lecteurs ?
EG: L’accueil du jeune enfant au cours de sa première année de maternelle, peut parfois déterminer son relationnel avec les autres enfants comme avec les professionnels encadrants durant toutes ses années de Maternelle, voire au-delà. Et pour cela, il est important que cet accueil soit réfléchi.
Ainsi, le fait de conjuguer les compétences professionnelles des uns (Personnel de Crèche) et des autres (Personnel de Maternelle) permet une meilleure transition de la crèche vers l’école dans l’intérêt de l’enfant.
Pour autant, connaître le développement psychomoteur de l’enfant de 2-4 ans, dans un premier temps, est important car l’enfant passe par plusieurs étapes d’ordre psychomoteur, morpho-biologique et socio-affectif. Et le professionnel encadrant doit en tenir compte afin de mettre en place une pédagogie pour répondre au mieux aux besoins de l’enfant.
L’aménagement de l’espace et les propositions de jouets sont des outils professionnels puissants. Ils régulent les activités et «l’ambiance» du jeu des enfants, en groupe ou individuellement. Observer les situations difficiles (en se mettant du point de vue des enfants), et en réfléchissant aux éventuels réajustements qui lui seront bénéfiques, permet toujours d’améliorer la situation quelle qu’elle soit.
Pour qu’une bonne intégration se fasse, il est primordial que les parents soient investis de manière pro-active et constructive avec les différents personnels encadrants, et ce afin d’assurer une transmission rassurante avec les différents professionnels, sans négliger les équipes d’animations, lesquelles sont amenées à se professionnaliser, de plus en plus.
Propos recueillis par David Roche auprès d’Ema Gomis
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