Rodolphe Lauretta sort son premier opus : “RAW”
Femmes au pluriel a rencontré pour vous Rodolphe LAURETTA, saxophoniste de talent, lequel vient de sortir un tout premier album « RAW » sur le Label Onze heure Onze.
Femmes au Pluriel : Rodolphe, Racontez-nous ce qui vous a amené à la Musique et pourquoi le saxo ?
Rodolphe LAURETTA : Notre mère nous a inscrit mon frère et moi au conservatoire d’Amiens quand j’avais 11 ans, car elle était très attachée à nous faire découvrir différents univers créatifs. Cependant, j’ai réellement débuté le saxophone à 16 ans. J’ai eu la possibilité d’avoir une location durant 3 mois, puis un prêt d’instrument par un centre de loisirs.
FP : Pourquoi le Jazz ?
RAW : A l’époque, je fréquentais « feu » le festival de Jazz d’Amiens, soutenu et coordonné par la maison de la culture d’Amiens, et le Label Bleu. Il était impensable pour moi de ne pas me retrouver près de certains artistes de jazz de renommée internationale, et d’autres moins connus mais non moins intéressants. Je trouvais des solutions pour me faire inviter ici et là et parfois même, je me faufilais. J’étais admiratif par cette capacité d’offrir au public des instants privilégiés avec une réelle proximité, lorsque j’assistais à des concerts dans les salles telles que « la lune des pirates », la Maison de la Culture d’Amiens, et le prestigieux et historique cirque d’Amiens.
FP : Quelles sont les sources et les courants musicaux qui vous ont marqué ?
RAW : Tout d’abord, j’ai un profond Amour du Live. La scène m’a toujours fascinée. J’ai fait partie d’une génération ou le Hip Hop a pris ses marques en France, et je regardais l’émission Rap line présentée par Olivier Cachin.
Ensuite, lorsque je voyais des pochettes de disques de jazz à la médiathèque, je constatais une grande présence d’artistes afro-américains, souvent élégamment vêtus. Un mimétisme s’est alors opéré, car, en tant qu’issu de la diaspora Afro-Caribéenne, l’image que dégageait ces musiciens dandy Afro-Américains exerçaient sur moi un certain attrait. Je feuilletais des magazines de jazz et le fait que des journalistes consacrent un dossier de 5 pages pour parler avec érudition d’un John Coltrane ou d’un Thelonious Monk que je voyais sur les pochettes d’album m’a interpelé et a continué d’attiser ma curiosité envers cette musique.
J’ai fait rapidement le lien entre le Jazz et le Hip Hop, lorsque j’empruntais des cd à la médiathèque. Les samples dans les disques de rap provenaient pour beaucoup du funk, et du Jazz. Le saxophoniste Brandford Marsalis, qui a joué avec Miles Davis ainsi que Sting, a créé Buckshot Lefonque en 1994. L’idée principale de ce groupe était de réunir Jazz, Rock, Pop, et bien sûr le Hip Hop.
Il y a d’autres artistes qui ont mis en avant le lien intrinsèque entre le Rap et le Jazz, qui font tous les deux partie de la même vernaculaire issue de la culture Afro-Américaine. Je peux citer pour les plus connus : « Jazzmatazz » initié par Le rappeur Guru dès 1993, Steve Coleman et Opus Akoben, anciennement nommés Metrics. Il y a aussi le rappeur/producteur culte du hip-hop californien Madlib.
J’ai d’ailleurs fondé un groupe nommé « The jazz side of madlib» « nom en référence à Madlib ». C’est un quintet accompagné du rappeur Américain Theorethoric, lequel prête également sa voix dans l’Album « RAW ».
FP : Quel a été votre parcours lors de vos débuts à Amiens ?
RAW : Je suis très imprégné par les cultures urbaines en général. Je me suis intéressé au Punk rock quand je pratiquais le skate à Amiens. J’ai joué dans un groupe de rock industriel, de P-Funk mais aussi dans le Big Band du conservatoire. Une des premières formations que j’ai intégrées était OUROUB, un groupe de reggae reconnu localement, qui a pu faire la première partie de grands groupes jamaïcains tels que The Gladiators, Burning Spear, The Abyssinians…
FP : Lorsque vous êtes arrivés à Paris, quel a été votre parcours et quelles étaient vos premières références scéniques ?
RAW : Peu après mon arrivée à Paris en 1999, j’ai rédigé des piges pour feu le magazine Jazzman tout en suivant un cursus au conservatoire, en premier lieu à Montreuil, puis à celui de Noisiel. J’ai aussi fait des métiers alimentaires, notamment réceptionniste d’Hôtel. J’ai formé différents groupes et fait mes armes dans les divers clubs et bars parisiens tels que Le Sunset, Bab ilo, baiser salé, etc…Puis les festivals, Jazz à Vienne, Jazz sous les pommiers…
FP : Vous avez une richesse musicale et des inspirations très diversifiées. Elles se ressentent beaucoup dans l’Album Raw. Il y a dans cet album une maturité liée à vos nombreuses rencontres et expériences. Pouvez-vous nous citer quelques personnes et références avec qui vous collaborez ou avez collaboré ?
RAW : Tout d’abord, mes retrouvailles avec mes racines caribéennes avec le groupe Caribop, fondé par le saxophoniste Marc Vorchin, que j’ai intégré il y a dix ans. Il y a aussi Le légendaire pianiste guadeloupéen Alain Jean Marie, avec qui j’ai pu jouer à maintes reprises au Bab Ilo. J’ai un oncle, le chanteur Christian Lauretta, qui écrit des paroles en créole sur des standards de jazz ou des thèmes de Coltrane. J’ai régulièrement participé à ses concerts, avec le superbe pianiste Georges Edouard Nouel et le percussionniste Serge Marne.
Je joue depuis 5 ans dans le big band Kelin-Kelin orchestra fondé par le batteur Brice Wassy qui a joué notamment pour Manu Dibango et le saxophoniste Jean-Jacques Elangué. J’apprends énormément dans cette formation afro-jazz.
Nous avons un album en préparation.
J’ai aussi eu la chance de participer à des projets pédagogiques originaux notamment cette expérience mélangeant le slam et musique classique au conservatoire de Colombes avec le rappeur Kohndo.
FP : Parlez-nous de RAW ? Cela signifie « brut ». En dehors de l’aspect Phonétique, pourquoi ce titre ? Quel a été votre cheminement ? Vos rencontres pour l’accomplissement de cet album ?
RAW : Raw, car c’est un album sans fioriture, avec des prises de risque, et cette formule en trio sans instrument harmonique qui donne cette pointe d’aspérité à l’ensemble. C’est aussi une forme d’attachement à une sincérité artistique : Ce qui est brut est souvent pur. Nous avons enregistré en direct avec le contrebassiste Damien Varaillon et le batteur Arnaud Dolmen, pour nous mettre dans une situation sans filet et convier ce sentiment d’urgence. C’est aussi pour cela que j’ai souhaité inviter Charlotte Wassy. Son timbre, et sa précision rythmique collait parfaitement à l’atmosphère minimaliste de l’album. Le Rappeur Théorethoric, exprime également dans son Rap une forme brute et incisive, tout comme le trompettiste Olivier Laisney qui distille son jeu anguleux sur le morceau « CLAVE ».
FP : Enfin, après toutes ces questions et puisque vous répondez à un magazine dédié aux femmes du monde, Pouvez-vous nous parler d’une femme qui vous a beaucoup influencé, porté et même parfois supportée tout au long de vos expériences ?
RAW : Je pense d’abord à ma mère. Elle nous a élevé seule avec beaucoup de générosité et un cœur énorme. Dans cet aspect « brut » de mon album, il y a aussi cette représentation du cœur. Celui d’une femme courageuse, digne et discrète, mais aussi curieuse de toutes les formes artistiques. J’aimerais aussi faire une dédicace à une grande dame, Fara C, journaliste musicale très intègre, qui m’a toujours soutenu, et fait rencontrer l’illustre Archie Shepp, saxophoniste, compositeur et historien afro-américain, avec qui j’ai pu prendre des cours par la suite.
L’Album « RAW » de Rodolphe Lauretta est sorti le 1er septembre sur le label ONZE HEURES ONZE. Il est disponible sur le site de l’artiste https://rodolphelauretta.com, dans les bacs, en version numérique, et en version physique sur le site http://www.onzeheuresonze.com
Quelques dates à venir :
Le 30 septembre pour la sortie de l’Album « RAW » à La petite Halle de la Villette avec les invités de l’album, et le groupe Oxyd.
Le 25 Octobre au Sunnyside Jazz festival de Reims à la Cartonnerie avec The Jazz Side of Madlib.
Le 16 février avec RAW à Musiques au Comptoir (Fontenay s/S Bois).
L’avis de Femmes au Pluriel :
« RAW » est un album de jazz novateur, à la fois intimiste et dynamique, aux couleurs musicales variées, et marquée d’une modernité indéniable.
Crédit photos : Seka
Album « RAW », Halle de La Villette, Jazz, Rodolphe LAURETTA, saxophoniste