Une nouvelle carapace pour grandir
Hummmmm, Grandir….
Leçon de vie, d’un Bernard l’Hermite.
Sur ma terrasse, chaque matin, j’assiste régulièrement, à un défilé étonnant : Les croquettes de mon chat deviennent pendant une demi-heure, le sujet de toutes les convoitises. Sa gamelle, posée sur la terrasse face à un jardin sans fin est, semble-t-il, surveillée, épiée même. Une fois le repas de Monsieur Shiro servi, celui-ci vient se remplir la panse, puis, de son royal pas, s’en retourne à une sieste digestive.
A peine a-t-il effectué quelques pas, qu’apparait le gang des poules, suivies des coqs qui auront attendu le feu vert de ces dames ! C’est, du moins, l’impression que j’en ai ! Ils se ruent sur la gamelle et, si je n’y veillais, picoreraient 1000 granulés en une seconde ! Mais je suis là, et surveille les grains ! Je les renvoie donc à leur tâche (Me débarrasser de toutes les petites bestioles du jardin), puis m’en retourne à mon bureau. Je vois alors apparaître 2 rouges-gorges, toujours les mêmes qui, dans leur imaginaire probablement, sont persuadés d’utiliser des ruses de sioux pour chaparder les mêmes croquettes alors que je connais par cœur tout leur manège ! Eux, je les y autorisent, leur appétit étant bien plus raisonnable que celui des gallinacées !
Et puis, en queue de peloton, apparaissent ceux qui me fascinent le plus : Messieurs et Mesdames les Bernard et Bernadette l’Hermite. Tout doucement, puis accélérant le pas, je les vois se diriger vers l’objectif commun de toute cette communauté animale autour de moi : La gamelle de Shiro. Et une fois parvenus à l’objectif, c’est avec dextérité que de leurs pinces ils se saisissent de ce précieux butin.
A ce moment de mon récit, je vois vos visages perplexes s’interroger sur la raison pour laquelle je vous parle des bestioles de ma cour ? Patience, j’y viens !
Alors, voilà.
Ce matin, alors que j’assistais à ce fascinant manège, j’ai remarqué quelque chose : Les derniers de ma parade animale personnelle, Messieurs et Mesdames les Bernard (et Bernadette) l’Hermite, avaient changé. Oui, je ne les reconnaissais pas. Même si, (peut-être n’est-ce qu’une impression, il me semblait reconnaître, à leur allure, leur personnalité. Le timide, l’engageant, le rusé, la brute.
J’ai donc totalement délaissé mon travail pour les examiner de plus près et là, j’ai compris ! J’en suis quasiment certaine, les membres de ma troupe étaient certainement les mêmes : Ils avaient simplement changé de costume …euh, de coquille ! Voilà ! De là, cette impression de subtil changement et de familiarité, tout à la fois. Et ma conviction a été renforcée par le fait que j’étais restée quelques temps sans les voir. J’ai donc pris contact avec Mme Google qui m’a expliqué que, oui, tel était le comportement naturel de ces crustacés.
Ils doivent, régulièrement changer de coquille car celle qu’ils occupent devient inconfortable, lorsqu’ils grandissent. Or, parce que leur abdomen est mou et sans défense, ils doivent se cacher afin de se débarrasser de l’ancienne coquille et s’habiller d’une nouvelle qui devient leur armure. J’ai donc l’impression que toute ma troupe a, au même moment dû faire face au même challenge : L’obligation, pour plus de confort, de quitter l’inconfort de la coquille précédente. Une fois ce challenge relevé, ils ont repris leur petit train-train dont celui de venir chiper des croquettes.
Cette observation m’a conduite à deux réflexions :
- C’est la pression exercée sur eux par une carapace de plus en plus petite qui, à chaque étape de leur vie, les obligent à prendre le risque de se mettre à découvert, à se mettre en situation d’affronter le danger. Ils perdent ou déposent (au choix) ce qui leur servait de carapace, car c’est cette même protection qui pourrait les empêcher de grandir s’ils refusaient de s’en défaire. Ce moment, celui du changement, doit être pour eux, je suppose, un moment d’angoisse, de peur, de stress. Cette pression exercée par la coquille doit se muer en pression tout court. Mais, parce qu’ils sont des animaux et qu’ils ne prennent pas le temps de philosopher, ils font ce qu’ils ont à faire : Affronter la peur d’être dévoré parce que devenus vulnérables sans leur coquille et passer à l’acte : Chercher une nouvelle carapace, se faire discret, revêtir la nouvelle coquille et reprendre leur vie, jusqu’au prochain challenge. A la pression suivante.
- La coquille délaissée par l’un, parce que devenue trop petite, sera parfaite pour une autre, qui est, elle, à un autre stade de sa croissance. Si la première est, par exemple à l’étape 4, la nouvelle locataire de la coquille de l’étape 3 délaissée, s’en vêtira.
Ma conclusion ? J’ai transposé ce phénomène aux humains et j’en ai déduit ceci : La pression, l’inconfort, l’adversité que nous subissons, à plusieurs étapes de nos vies n’est-elle pas là que pour une seule et même raison : Nous faire grandir ? Dans nos moments de vulnérabilité, lorsque nous sommes contraints de nous dépouiller de notre carapace, ne trouvons-nous pas, souvent, toujours, des moyens de rebondir ? J’imagine la carapace comme nos habitudes, nos convictions, nos certitudes. Lorsque la vie nous oblige, parfois brutalement, à les abandonner, n’est-ce pas, finalement, que cette norme qui nous est imposée pour nous obliger à grandir ? agrandir notre espace, nous déployer ? Bien sûr, ce moment de peur, lorsque nous sommes sur la brèche, n’est pas agréable, mais avons-nous réellement le choix sinon celui de l’acceptation ?
Et en conclusion 2, je vous renvoie à mon billet d’humeur intitulé «L’expérience » qui débute ainsi : « L’expérience est un costume taillé sur mesure ». Le Bernard l’Hermite, à l’étape 4ème coquille de sa vie, ne pourra, en aucun cas, éviter à celui en étape 1 de sauter des coquilles. Ils devront tous, chacun, passer chaque étape. Car seulement ainsi, ils pourront vaincre l’adversité, grandir ….
A vous, qui avez peut-être dans votre vie, actuellement, une pression sur les épaules, un challenge à relever, une adversité à affronter, je vous souhaite le courage du Bernard l’Hermite, et la même persévérance, pour surmonter l’épreuve, prendre des forces, et continuer à vivre, parce que nous ne sommes pas différents de la nature qui nous entoure : Après ce costume, il faudra en enfiler encore un autre, puis un autre …Pour grandir.
Lire aussi : De l’expérience
Jessica Jordan
Excellent exemple que le règne animal peut apporter à l’évolution de “l’espèce” quelle qu’en soit l’espèce. Merci Corine pour ce récit philosophique qui amène à la réflexion, tu as un don d’observation plein de sagesse, et tu sais donner vie à la plus insignifiante des choses pour en démontrer la valeur fondamentale qui se cache en chacune d’elle MERCI désormais je regarderai Bernard et Bernadette L’Hermite différemment et avec respect .<3