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Nathalie Mazéas: En corps… La vie ne s’arrête pas à 50 ans !

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Nathalie Mazéas a l’habitude de “capturer” les gens... Elle fait des portraits depuis plus de 20 ans déjà. Mais alors qu’elle s’interroge sur la question du féminin, de sa représentation et de sa perte, la photographe a construit tout un travail avec la complicité de femmes qui ont entre 50 et 60 ans et qui ont posé nues, au sein de lieux en résonance à quelque chose d’intime de leur vie. Elle a ainsi rendu hommage à la féminité, à la beauté de ces femmes entre deux âges, pleines de force et de vivacité.
Un projet qui plaît aux hommes, émus par cette beauté au naturel.

Pat. Mon premier amour: un photographe qui passait des heures à suspendre endives et sardines à un fil.
Pat. Mon premier amour: un photographe qui passait des heures à suspendre endives et sardines à un fil.
Elsa. Elle adorait faire des photos sur le bord de la route.
Elsa. Elle adorait faire des photos sur le bord de la route.
Diane. Il faut se dépêcher d'ouvrIr les yeux car les choses disparaissent.
Diane. Il faut se dépêcher d'ouvrIr les yeux car les choses disparaissent.
Marie. Des heures entières à la fenêtre à scruter la cage d'escalier de l'immeuble d'en face...
Marie. Des heures entières à la fenêtre à scruter la cage d'escalier de l'immeuble d'en face...
Nathalie Mazéas
Nathalie Mazéas
FP: Quelle est l'origine du projet?

Nathalie Mazéas: Une couverture de magazine, «La beauté à 50 ans», Sharon Stone pratiquement nue. L’image est tellement lisse et retouchée… J’ai trouvé cela injuste et déplacé. Dès lors, le sentiment de rétablir l’équilibre ne m’a plus quitté. A la veille de mes 50 ans, je me suis rendue compte que j’avais peur d’être vieille, peur de ne plus être dans la course, peur de ne plus faire partie du paysage. Que j’étais aussi, alors que j’en connais tous les rouages, conditionnée par ce genre d’images. Elles infusent subrepticement notre esprit. J’ai donc décidé de photographier des femmes «nues» entre 50 et 60 ans, à la lumière du jour, et sans aucune retouche.

FP: Quel message souhaitez-vous faire passer?

N.M.: Quoi que l’on fasse, on est toujours le beau, le moche, le jeune ou le vieux de quelqu’un! Donc c’est foutu!! Le plus important, c’est le regard que nous portons sur nous-même. Essayer d’être un peu plus indulgent avec soi, réaliser qu’il n’y a pas la tête d’un côté et le corps de l’autre, que tout est lié, que c’est une incessante circulation entre l’intérieur et l’extérieur. Notre corps dit beaucoup sur nous, il a de la mémoire, il est notre mémoire, c’est pour cela que j’aime les cicatrices. Nous en sommes en grande partie responsable, nous pouvons beaucoup pour nous. Habiter notre corps, c’est une manière de voir le monde, de s’inscrire dans l’espace, dans la vie. La vie ne s’arrête pas à 50 ans.

FP: Comment avez-vous choisi les femmes que vous avez photographiées?

N.M.: Ce sont plutôt elles qui m’ont choisie. Il n’est pas simple de se mettre nue devant une inconnue qui va vous immortaliser dans le plus simple appareil. La chose impérative était qu’elles n’aient fait absolument aucun acte esthétique! Une femme m’en amenait une autre. Et puis, mon ex-mari s’est impliqué dans mon travail, il en parlait beaucoup autour de lui. J’ai été très surprise de l’impact, les femmes voulaient en savoir plus et me rencontrer. Finalement, nous nous sommes choisies! Plus elles étaient touchées par ma démarche et plus elles avaient envie de tenter l’expérience. Excitées d’oser, de découvrir peut-être quelque chose dont elles n’avaient pas conscience. Leur réelle beauté. De prime abord, toutes se trouvaient moche ou grosse. J’étais tout d’abord étonnée, car je ne sais pas trop ce que veux dire moche ou beau car je n’ai pas de critères physiques. L’important pour moi est ce point de rencontre, d’échange, de partage, l’émotion qui survient alors que je ne m’y attends pas. Des femmes, des mères, qui se battent, travaillent, souffrent. Des femmes qui réalisent que le temps a passé trop vite, qu’elles n’ont pour la plupart pas savouré leur jeunesse. La magie opère là, la femme face à moi devient la plus belle du monde éminemment vivante, avec ses doutes et ses imperfections. J’ai l’impression d’être tour à tour leur amant, amie, mari, père, mère, enfant, sœur, frère. La confiance est mutuelle, mon regard est un rayon laser dedans et dehors à la fois. Le plus gros du travail se fait là, la prise de vue ensuite est pour moi d’une facilité enfantine. La seule contrainte étant la météo, puisque je travaille à la lumière du jour.

FP: Quelle est votre définition de la Beauté?

N.M.: La beauté est partout, il suffit de savoir regarder. C’est aussi une histoire d’axe, ce qui est disgracieux d’un coté, peut être bouleversant de l’autre.

Nathalie Mazéas
Gwen. Eté sur la plage, mes parents se noyaient dans la lecture.
FP: Qu'est-ce qu'être belle à 20 ans, 30 ans, 40 ans, 50 ans?

N.M.: A 20 ans, on se trouve moche, alors que gonflée d’hormones, la fraicheur du corps est d’une bouleversante beauté. Une femme ayant finalement refusé de poser pour moi m’a dit: “On ne peut pas lutter contre la jeunesse». Je ne pense pas qu’il faille lutter, la jeunesse est incontestablement d’une force féroce. Je veux juste montrer que la beauté d’une femme qui n’est plus jeune mais pas encore vieille, passe par autre chose. A 30 ans, on savoure de devenir une femme, une mère, on voie son corps changer avec la grossesse, ce qui importe c’est l’enfant à venir, serons-nous à la hauteur? Rentrerons-nous à nouveau dans nos jeans, nos seins plus lourds seront-ils encore aimables? A 40 ans, nous sommes complexées de toutes sortes d’imperfections et la vie nous apprend que la beauté se place ailleurs. Riche de se comprendre mieux, de commencer à se connaître, d’accepter ce que nous sommes. A 50 ans, débarrassées du regard de l’autre, nous sommes en plein dans l’espace de notre vie, du réel qui nous entoure, en connexion avec nous-mêmes, avec l’autre. Libre de nos émotions avec la conscience effrayante d’être dans la dernière ligne droite avant que le corps ne nous lâche. Nous ne pouvons échapper aux lois de la pesanteur. C’est un balancement constant, un équilibre à trouver entre force et fragilité.

A 20, 30, 40, 50 ans, la beauté est une histoire de compréhension, d’acceptation de soi. De son positionnement pour se regarder. De l’acceptation du regard de l’autre aussi, qui peut être à la fois, bienveillant ou négatif. Ce qui est beau pour soi, peut être moche pour l’autre, c’est l’éternelle histoire des goûts et des couleurs… Pour avancer, nous n’avons pas d’autre choix que d’être pleinement ce que nous sommes.

FP: Quel est votre regard de photographe sur la "beauté et ses critères" dans notre société actuelle?

N.M.: Je suis un peu désespérée de la tournure que prennent les choses. Que des femmes si jeunes soient dans une telle détresse et ne pense qu’à la chirurgie esthétique. La peur de vieillir bien trop présente!! J’ai été très surprise lors de l’exposition de ce travail à Arles, par le nombre de jeunes femmes qui m’ont dit être angoissées à l’idée de la cinquantaine et à quel point mes photographies les libéraient d’un poids. Elles n’imaginaient même pas que cela puisse être possible!! BELLE, libre avec rien! Que des femmes mûres, en pleine possession d’elles-mêmes, refusent l’inéluctable et veulent redevenir des petites filles. Sexes rasés, vulves rétrécies, bouches gonflées, peau tirée à quatre épingles. Nous mourrons de plus en plus vieux et on nous montre de plus en plus jeune. Il y a là-dedans quelque chose de pathétique. La jeunesse est partout, la femme en photographie reste bloquée à un très jeune âge. Cela fait presque désordre de ne pas se faire d’acide hyaluronique! Je pense que nous manquons cruellement de «vraie» représentation féminine. Les jeunes femmes n’ont plus de modèles ou de référents. Leurs propres mères refusent de vieillir, elles se raccrochent à de fausses images. Les hommes quittent leurs mères pour des femmes de 20 de moins, pour vivre une seconde jeunesse. C’est terrible mais il n’y à pas tellement de place dans les médias pour la femme de cinquante ans, «La ménagère de cinquante ans» comme on aime à dire! Mais, on oublie qu’à cinquante ans, on peut être autre chose qu’une ménagère qui regarde les émissions culinaires à la télévision et ne pas prendre forcement 20 kgs parce que l’on est ménopausée. Oui, c’est possible d’être belle et désirable même si on est plus fécondable, d’être à fond dans son travail puisque les enfants pour la plupart ont quitté le nid, d’avoir encore de la curiosité et de l’émotion à découvrir des continents inconnus. D’être dans la vie avec ses doutes et ses faiblesses, mais ne pas en faire forcement tout un plat, avancer quoiqu’il arrive et rester vigilante aux surprises de la vie. Etre tout simplement vivante avec son époque. Mais ça, on ne le montre jamais, on en parle peu voire pas!! C’est encore tabou et nous avons du boulot pour que les choses changent. Lorsque les filles et les garçons réaliseront que la beauté peut être autre chose que des talons de 20 cm, des gros seins et des “chattes” rasées (pardon d’être aussi crue!) … cela nous fera des vacances. J’aime Ines de la Fressange qui dit: “Mieux vaut une bonne nuit d’amour qu’une injection de botox”.

FP: Pensez-vous que la beauté physique se fane et dessèche avec le temps?

N.M.: On perd de la fraîcheur, la peau est moins tonique, tendue, bandée, les hormones se font rares évidemment. Mais on gagne autrement… en subtilité!

FP: Quel est le regard des hommes sur votre travail?

N.M.: Beaucoup d’hommes ont été bouleversés, émus en voyant mes photos. J’ai eu l’impression que quelque chose dans leur coeur s’ouvrait un peu! Ils m’ont remercié aussi d’avoir osé.

Pour participer à ce projet, contacter Nathalie Mazéas : photo@nathaliemazeas.com
A voir également, du 17 Novembre au 31 Décembre 2016, à PHOT’AIX (Festival de Photographie Aix en Provence) – Une série de photos réalisées lors d’un road-trip aux Etats-Unis. Cette exposition ira ensuite à BRUXELLES à la Galerie Fontaine Obscure.
Que pensez-vous du travail de cette artiste autodidacte? Merci de vous exprimer librement dans les commentaires en bas.

En Corps, intime, Nathalie Mazéas, nus féminins, Photographe, projet

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