« Un jour dans ma vie », de Charlotte Dipanda
Il y a un souffle magique nimbé de grâce dans les mélopées veinées de tristesse, si typiques du répertoire de Charlotte Dipanda. La chanteuse de Nkonsamba a rendu à la musique camerounaise le visage d’une femme et d’une artiste de dimension internationale, sacrée un 16 septembre 2015 dans la mythique salle parisienne de l’Olympia.
« Elle ne l’a pas vu », pièce de charme de Massa (2015), témoigne, parmi les autres joyaux de sa production, de cette approche lyrique qui ne survole pas sur les peines de l’existence. Sur le même registre, « Un jour dans ma vie », titre-fétiche de son nouvel album paru fin mars en version digitale, est une complainte retentissante. Avec un élan presque dévotionnel, l’enfant du Moungo y chante la douleur inconsolable d’une mère frappée au plus profond de son âme.
Avec sa simplicité et sa spontanéité naturelles, cet aspect de son œuvre explique en bonne partie les raisons de l’attachement que son public, de plus en plus large, lui voue.
En même temps, une trajectoire rythmique évolue dans sa démarche depuis le mélodieux « Mispa » (2008), en passant par l’hommage aux syncopes fiévreuses issues de la belle époque du makossa dans « Dube l’am » (2012), et jusqu’à « Massa », dont elle dira : « C’est nouveau pour moi d’adapter mon style au tempo saccadé »… Non une contradiction avec les couleurs plus mélancoliques de ses opus, mais les développements d’un univers expressif, peut être en ligne avec le mûrissement de son tempérament.
Car ce quatrième album est également un ensemble d’explosions jubilatoires. Elles nous plongent dans les ambiances torrides des nuits de Douala, que Charlotte Dipanda encore adolescente animait en posant sa voix pure de contralto devant les micros des cabarets de Bonanjo. Elle y évoque l’amour (A Ndolo), introduit dans les atmosphères dansantes les notes plus légères d’essewé (Sa Ngando), réplique le célèbre « Sista », featuring la star nigériane Yémi Alade, et convoque papa Salle John, le doyen, dans « Duméa », où le makossa revient aux sources aquatiques de l’ambassi-bè.
Son parcours est original, avec une surprise à chaque détour. En mutation constante mais fidèle à sa personnalité, si ouverte à la joie, si sensible à la souffrance.
Artiste complète, Charlotte Dipanda chante toutes les vérités de la vie en touchant aux cordes diverses de celles et de ceux qui l’écoutent. Terrienne et à la fois spirituelle.