Olowou: “le mélange de genres, avec un juste dosage, me tient à coeur”
“Olowou” est un terme yoruba (du Nigéria et du Bénin) qui signifie “l’artisan du coton” ou “Toute personne qui travaille le coton”. C’est donc ce joli nom qui claque et rend hommage aux artisans textiles du continent africain que Salmata Yémi a choisi. Ouvert en octobre 2015, le show-room de cette talentueuse créatrice est situé en face de la mer. Et c’est dans ce bel univers où le batik est roi que Salmata nous reçoit. Entre masques, cauris, perles et symboles africains, le batik dégage l’âme de la griffe Olowou. Sa fondatrice nous parle de création, d’art de la récupération, mais aussi de son attachement à l’environnement et au coton “made in Africa”. Rencontre.
Comment est née la marque Olowou?
Depuis l’enfance, j’ai toujours été férue de mode et de design. En grandissant, j’ai voulu créer quelque chose dans ces domaines pour, entre autres, marquer ma génération. J’ai alors fait le pari, à travers Olowou, de travailler et valoriser les matières premières de chez nous, particulièrement le coton.
Votre parcours est atypique puisque vous ne venez pas du milieu du stylisme et de la mode. Comment êtes-vous passée de la gestion à la mode?
C’est peut-être un don. Je ne peux pas dire exactement ce qui m’y a emmené, si ce n’est cette envie que j’ai toujours eue de proposer des objets d’art bien finis et différents. Lorsque j’étais étudiante à Brest et que je devais rentrer des vacances de Cotonou, j’étais souvent frustrée de retrouver toujours les mêmes articles à offrir aux amis français. Ayant voyagé, j’ai vu ce que d’autres pays proposaient en matière d’art, surtout en termes de qualité. Je me suis dit qu’un jour, j’évoluerai dans ce domaine et que je proposerai des produits d’excellente qualité.
Le fil conducteur des collections Olowou c'est le batik qui s'est développé en Afrique, mais qui vient en réalité de Java, en Indonésie. Comment vous y êtes-vous prise pour moderniser ce textile?
Le batik est, il est vrai, d’origine asiatique, mais j’ai grandi en voyant ma mère, une ancienne institutrice, développer une véritable passion pour ce matériau. Elle a opté pour l’élaboration de motifs représentant des symboles africains. Elle s’est donc servie de la technique asiatique tout en l’adaptant aux motifs africains et à nos objets du quotidien. Lorsque mon idée de mettre en valeur le batik qu’elle produisait s’est précisée, nous avons dans le même temps décidé de ne faire que des motifs propres à Olowou et produit exclusivement pour nous-mêmes. Nous avons essayé de faire des choses différentes avec le coton, mais pas uniquement l’écru léger. Nous avons travaillé le drill – qui est de l’écru également mais plus épais – pour la partie maroquinerie, mais également le coton piqué pour les vêtements pour enfants. En plus du batik, j’ai ajouté de la peinture sur la toile de base avant de la travailler.
Sans dévoiler vos secrets de fabrication, quelle technique utilisez-vous pour que la peinture fixe bien le batik?
C’est vrai que la peinture que nous utilisons est industrielle, c’est la même qu’utilisent les artistes peintres sur une toile. Mais j’ai développé, en plus, une technique propre à Olowou. Nous utilisons cette peinture plutôt sur les accessoires, très peu sur les vêtements, si ce n’est à des endroits qui ne sont pas directement en contact avec la peau.
Utilisez-vous de la cotonnade qui vient directement d'Afrique, ou comme beaucoup, du coton africain exporté en Chine, par exemple, et qui revient sur le continent, mais souvent de moins bonne qualité?
C’est une très bonne question et c’est un sujet qui me tient particulièrement à cœur. J’ai fait le pari de ne travailler qu’avec le coton africain tissé en Afrique. Je travaille avec de l’écru qui résulte de la transformation du coton en fil tissé, c’est cette toile de base qui est prête à recevoir les impressions. L’écru que j’utilise est d’origine béninoise ou ouest-africaine. J’y tiens! Il faut que l’Afrique travaille par elle-même. A 95%, les produits Olowou sont béninois ou ouest-africains. Nous avons parfois des difficultés à être ravitaillés en quantité suffisante, mais je tiens à travailler avec le coton de chez nous. Nous devons faire la promotion de nos produits et de nos industries, personne ne le fera à notre place. Et surtout, il faut retenir que c’est notre identité.
A part la peinture sur batik, quelles sont les autres spécificités de la marque Olowou?
Je dirai, les objets d’art et symboles africains tels que les masques que nous travaillons de façon particulière. Je me sens concernée par les problèmes liés à la protection de l’environnement. C’est la raison pour laquelle j’ai choisi de n’utiliser que des objets récupérés dans la nature et des articles recyclés. Sur les sacs, en particulier, vous trouverez des masques issus de la récupération. Nous utilisons sur de nombreux articles du bois, en particulier de l’ébène. Je prends le soin de n’utiliser que du bois provenant de forêts reboisées. Nous devons tous avoir cette conscience pour notre environnement. C’est aussi pour cela qu’avec ma mère, nous sommes en train de développer des techniques de teinture bio et naturelles. Nous tendons vers cela et notre objectif est de n’utiliser, à terme, que cela.
Vous avez participé aux JTEX 2016 dont le thème, cette année, était : "Mode et nouvelles technologies". Où se situe votre marque par rapport à ces questions? Disposez-vous, par exemple, d’un site Internet?
En plus de notre compte Facebook, nous avons un site Internet, mais qui n’est pas très actif en ce moment. Nous y travaillons pour l’alimenter et le rendre performant. Pour moi, les nouvelles technologies sont une bonne chose car elles permettent une plus grande visibilité, ce qui offre d’énormes possibilités d’échanges. Certains craignent de voir leurs modèles être copiés. Mais moi, j’ai anticipé sur le problème de la contrefaçon en travaillant sur des tissus très peu “copiables” et en utilisant des techniques assez complexes qui nécessitent une certaine maîtrise. Ma toile de base Olowou ne se trouve dans aucune boutique. Elle est faite par Olowou et pour Olowou.
En voyant votre dernière collection et en visitant ce magnifique show room, il me semble que l'homme, la femme et l'enfant Olowou sont très contemporains. Comment définissez-vous votre clientèle?
Olowou habille une personne ouverte au monde multiculturel d’aujourd’hui tout en gardant son originalité, sa personnalité. Par exemple, la femme Olowou peut aller au travail le matin en tailleur classique occidental et porter un collier Olowou ou le sac à main Olowou. Pour moi, le monde d’aujourd’hui se mélange avec goût. L’enfant Olowou peut porter une petite robe – en coton c’est plus agréable compte tenu de notre climat – peinte avec de la teinture végétale. Olowou, c’est aussi l’art de la table: des tables colorées, certes, mais avec des sets aux formes contemporaines et surtout une finition impeccable. Cela se marie très bien avec la vaisselle occidentale. Le mélange de genres, avec un juste dosage, me tient à cœur. Nous devons donner et recevoir de façon merveilleuse.
Batik, Bénin, environnement, mode, Olowou, peinture sur toile